Homélie dimanche 19 octobre 2025. 29 ème dim TO
- Francis Roche
- il y a 4 jours
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« Mon Dieu, avant, je doutais de moi. Je me suis mis à croire en Vous, ce qui m’a donné confiance en moi. Maintenant que je crois en moi, je doute de Vous. » On attribue au dessinateur Sempé ce trait d’humour, qui pourrait orienter la réponse à la question que pose Jésus à la fin de l’évangile : « quand le Fils de l’homme viendra sur la terre, trouvera-t-il la foi ? » Sempé n’est certes pas un Père de l’Eglise mais il pointe le défi qui marque notre humanité moderne et sûre d’elle-même, qui trouve ses confiances dans la technologie et la capacité financière.

C’est bien de foi dont il est question dans les lectures de ce jour. L’épreuve de la foi et les mains levées vers le ciel ; la marche croyante de tout un peuple ; l’Ecriture source de la foi et appel à la proclamation ; prier sans se décourager. On pourrait résumer en disant que croire, c’est ne jamais baisser les bras !
La première lecture nous situe à Rephidim, là où le peuple avait gravement douté de Dieu devant l’épreuve de la soif. La mémoire garde les mots du psaume 94 : « aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre cœur comme à Mériba, comme au jour de Massa dans le désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit. » L’eau a coulé du rocher et le peuple a retrouvé la confiance en son Dieu. Cette fois, à Rephidim, c’est l’affrontement avec les Amalécites, farouches ennemis d’Israël, dans une lutte pour la survie. Le récit se concentre sur la relation entre le peuple et son Dieu. C’est l’épreuve de la guerre mais c’est surtout l’épreuve de la foi. Le bâton levé de Moïse rappelle à tous que c’est Dieu qui agit. Et Moïse prie, les mains levées jusqu’à être soutenues par Aaron et Hour. Dieu agit mais jamais sans notre participation. Ces mains levées deviennent le symbole de la prière humaine. Le croyant ne baisse pas les bras, et s’il n’en peut plus, ce sont les frères et sœurs de la communauté qui soutiennent les mains défaillantes.
En écho, Jésus nous livre la figure de cette pauvre veuve pour faire rebondir l’appel à toujours prier sans se décourager. De quel fait divers Jésus a-t-il entendu parler ? Cette petite histoire lui permet de la donner en exemple, dans son obstination et son humilité, sa persévérance. Elle ne doute pas qu’elle a raison, cette veuve qui est sans doute aussi très pauvre. Le juge ne respecte rien ni personne mais il finit par craquer devant l’insistance de cette femme. Les choses s’arrêteraient là si elles ne renvoyaient pas d’une part à la confiance de Moïse qui insiste le temps qu’il faut, sûr que Dieu voulait le salut de son peuple, et d’autre part sur le présent des premières communautés chrétiennes menacées de découragement devant l’attente du retour du Christ.
Cet appel à la persévérance dans la prière résonne aujourd’hui encore pour nous comme une vigilance devant la tentation de baisser les bras, qui conduit souvent à cesser de croire. Cela me rappelle une autre petite histoire. Madame est allée à une rencontre au presbytère et elle en revient tout excitée de ce qu’elle a entendu. Elle retrouve son mari en train de regarder un match à la télé. Alors, dans sa ferveur, elle lui demande de se bouger car « Jésus revient » ! Et le mari de lui répondre : « hé ben, il attendra bien la fin de match ! » Notre monde s’est un peu fatigué d’attendre et il se préoccupe de gagner le match de ses affaires humaines. Nous nous sommes installés dans le siècle et nous sommes peut-être en train de mourir d’ennui, d’en périr de nos divisions et de nos volontés de puissance, de nous dessécher de n’avoir plus de sève exigeante et nourrissante pour ouvrir un horizon plus grand que nous.
Le peuple juif répond par les pèlerinages d’Israël, trois fois l’an à Jérusalem (Pessah, Shavouot et Soukkot), pour maintenir vive la force de la foi. Le psaume entendu fait partie des psaumes des montées, les graduels. Ces pèlerinages sont des régalim en hébreu, c’est-à-dire une affaire de pieds ! On marche à l’horizontal pour espérer s’élever à la verticale à l’intérieur de soi. On marche parce qu’on est sûr que l’Eternel marche avec nous. On marche pour croire, on croit parce qu’on marche.
L’apôtre est justement un envoyé pour proclamer la Parole, une parole qui a longuement mûri en lui, par la prière, pour donner la sagesse en vue du salut par la foi, pour citer la deuxième lettre à Timothée. Les Ecritures, inspirées par Dieu, conduisent au Christ, juif parmi les juifs, dans l’accomplissement du projet de Dieu qui concerne l’humanité tout entière. Nous en sommes faits témoins, et acteurs pour oser à notre tour proclamer la Parole, une parole vive, une parole pleine qui ouvre l’avenir de Dieu parmi les hommes. La semaine missionnaire mondiale nous rappelle notre responsabilité pour l’annonce de l’Evangile.
La prière n’est donc pas un abandon de notre raison ou de notre volonté. Elle conjugue notre mémoire et notre espérance, elle tisse les cris des hommes avec la compassion de Dieu, elle nous apaise et nous bouscule, elle nous déplace et nous enracine, elle demande et elle loue, elle chante et elle se tait parce qu’elle écoute.
Ne baissons pas les bras ! Dieu est avec nous même si nous ne sommes pas toujours avec lui… Que coule en chacun de nous le désir de le rencontrer comme une voix de fin silence, au creux de la prière humble et obstinée, pour goûter la joie de sa présence et repartir, plus forts, plus habités, sur les chemins du monde. Amen.
Bernard VIGNERAS
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