Homélie de Bernard VIGNERAS, 25ème dimanche du Temps Ordinaire, 21 septembre 2025
- Francis Roche
- 22 sept.
- 4 min de lecture

Nous savons que Jésus se servait de l’actualité pour en faire un chemin d’annonce de son Royaume. Il savait voir et entendre et par là, il proclame le Royaume de son Père. Que s’est-il passé pour qu’il nous livre cette histoire singulière dont nous venons d’entendre le récit ?
« Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens » Permettez-moi d’oser une lecture qui déplace un peu nos compréhensions immédiates. A la lecture des évangiles, j’imagine aisément que, riche de tout son amour et de sa miséricorde, le Père s’interroge sur le Christ qui dilapide à volonté cet amour ! Car, oui, il puise à profusion dans les coffres de la tendresse divine. Cette interprétation ouvre un autre horizon à ce récit de l’évangile sur lequel je reviendrai tout à l’heure. Un autre horizon qui nous fait comprendre la manière de faire de Jésus ! Oui, Jésus n’hésite pas à ouvrir ce qui est fermé, à relever ce qui est courbé, à ranimer ce qui est mort. Il dilapide en cassant l’idée trop convenue d’un Dieu cantonné dans des lois et des principes, d’un Dieu qui surveille et qui punit les transgressions, d’un Dieu qu’on peut asservir pour justifier nos causes. Rappelez-vous la parabole du semeur, qui jette le grain dans les ronces, les cailloux, la mauvaise terre. C’est un mauvais paysan, et pourtant il le fait, à profusion, comme un gaspilleur céleste et prodigue ! Gardez en mémoire le berger qui abandonne 99 brebis pour chercher la centième ! D’ailleurs, St Jean insiste : « je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance ! »
Jésus ne compte pas, il dépense l’amour du Père avec habileté, et il arrose large si vous me permettez l’expression ! On pourrait établir la longue liste des personnes qu’il rencontre et à qui il manifeste sans retenue la tendresse du Père. Et sur la Croix, il demande le pardon, c’est-à-dire la démesure de l’amour !
Comme en écho, la première Lettre à Timothée justifie cette démesure. Nous avons entendu : « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. » Tous les hommes ! Tous dans le salut, dans le Royaume ! Tous, les prostituées et les infréquentables ! Dans le projet de Dieu, personne ne peut être perdu. Pour comprendre, on pourrait d’ailleurs dire : « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés c’est-à-dire parviennent à la pleine connaissance de la vérité. » La vérité est un Dieu qui s’approche, qui se révèle, qui fait alliance, qui s’engage pour nous, pour la Création tout entière.
Cette démesure provoque notre retournement. Dieu ne mégote pas, ne calcule pas, ne thésaurise pas. Il a tout donné, il est tout donné. Quelle est notre réponse ? Cette générosité dit qui est Dieu. Pourrait-elle dire qui est l’homme, en vérité, et qui sont les hommes ensemble ?
C’est là que je reviens à l’évangile, non comme une leçon de morale mais comme le trésor de la foi qui fonde ou devrait fonder nos choix de vie, nos préférences, et libérer notre propre largesse de cœur. La foi est une affaire de vie et de mort. En quoi l’argent fait-il vivre, en quoi est-il chemin de mort ?
L’argent malhonnête dont parle Jésus, en écho à ce que dénonce le prophète Amos, est surtout l’argent de l’injustice, l’argent qui se croit tout permis jusqu’à contraindre les corps et les esprits, jusqu’à acheter les âmes. Il est l’exact contraire de la libéralité divine, quand l’enrichissement des uns naît de l’appauvrissement des autres. Les exemples ne manquent pas, aujourd’hui encore, quand ce sont toutes les balances qui semblent faussées : l’économie, le respect du droit international, la justice, le droit à l’éducation et à la santé, et j’en passe. Nos sociétés humaines – et encore la nôtre n’est pas la pire - fondées sur tant d’injustice et de misères de toute sorte, dans lesquels quelques-uns accumulent indûment, ne peuvent qu’offenser Dieu. Il est peut-être temps d’apprendre à se méfier de ce qu’on possède pour ne pas être possédés par lui. Au secours, Amos, reviens… !
J’ai aimé que notre Pape choisisse le prénom de Léon, dans probablement au moins une double allusion. Frère Léon, c’était un des frères les plus proches de François, ce qui manifeste pour Léon 14 une connivence avec le Pape François et avec un certain nombre de dossiers qu’il a défendus. Et Léon 13, c’est le Pape de Rerum Novarum, en 1891, la première encyclique sociale au terme d’un 19ème siècle qui avait vu l’avènement de la révolution industrielle et la naissance de la question sociale. Beaucoup trop de chrétiens sont assez ignorants de ce qu’on appelle l’enseignement social de l’Eglise et il y a peut-être là un appel pour nous. L’un des premiers piliers de cet enseignement, c’est la destination universelle des biens et le sens du bien commun. L’évangile de ce jour pourrait bien être à la source de notre relecture de vie et de notre façon concrète d’être en rapport avec l’argent, en écho à ce que nous dit l’Eglise, car finalement, de cet argent nous en sommes responsables comme de bons intendants, mais peut-être pas ses uniques propriétaires… L’astuce de l’intendant malhonnête, c’est d’utiliser pour une fois l’argent comme un moyen et non comme une fin, pour lui permettre d’assurer son avenir.
Il nous arrive d’être si habiles, si inventifs, dans nos envies de gagner de l’argent. Jésus aimerait sans doute que l’ardeur pour la justice et pour la paix nous rende aussi inventifs… Le jour où nous consacrerons autant de temps et de matière grise à inventer des solutions de paix, de justice et de partage qu’à gagner de l’argent au-delà du nécessaire, la face du monde sera changée !
L’argent n’est qu’une petite affaire. Laissons-le à sa juste place de moyen au service d’une vie généreuse et fraternelle. Le Royaume de Dieu, c’est la grande affaire. La grande affaire d’un Dieu qui seul est Dieu. La grande affaire qui s’accueille jour après jour, jusque dans notre liberté par rapport aux choses du monde. Mes amis, investissez dans le Royaume et ses béatitudes, c’est une valeur sûre !
Amen.
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