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Homélie de Bruno MILLEVOYE pour le 4e dimanche du TO, 29 janvier 2023

Dernière mise à jour : 31 janv. 2023

Homélie de Bruno Millevoye pour le 4e dimanche du temps ordinaire, année A, 29 janvier 2023

La colère.

La lecture de ce chapitre du prophète Sophonie nous a surpris.

« Cherchez le Seigneur, vous tous, les humbles du pays, qui accomplissez sa loi. » Jusque-là tout va bien. « Cherchez la justice, cherchez l’humilité : peut-être serez-vous à l’abri au jour de la colère du Seigneur. »

Comment Dieu peut-il se mettre en colère ? Car il ne faut pas se mettre en colère…

Est-ce si sûr ?

Pensons à une situation scandaleuse. Qu’est-ce qui serait inadmissible : se mettre en colère ou ne pas se mettre en colère ? Est-ce qu’elle n’est pas nécessaire en certaines occasions ? Par conséquent, est-ce qu’il ne faudrait pas approfondir ce que la colère a de mauvais mais aussi de bon ?

Dans un ouvrage suggestif qui a été publié en 2002, Lytta Basset, pasteure de l’Église protestante, fait une étude de la colère dans la Bible à travers plusieurs figures bien connues.

(Sainte colère, Labor et Fides-Bayard)

Elle commente cette scène dans laquelle Jacob lutte avec l’ange. D’aucune façon, l’affrontement est dénoncé. Il est même nécessaire pour que Jacob approfondisse son expérience de Dieu.

Elle évoque longuement Job, cet homme qui a tout perdu. Dans un premier temps, il accepte sa condition puis il se met en colère. Ses amis le lui reprochent mais de longs chapitres mettent en valeur les reproches qu’il adresse à Dieu.

Que vaut-il mieux ? Faire de façon hypocrite comme si tout allait bien ou au contraire se mettre en colère et dénoncer une situation intolérable.

Lytta Basset souligne le fait que parfois nous évitons la colère non par vertu mais par peur de la confrontation. Est-ce une bonne chose ?

Évidemment, elle fait tout un chapitre sur Jésus. Elle commente le fait que l’évangile de Matthieu lui fait dire qu’il n’est pas venu apporter la paix mais l’épée. C’est au chapitre 10, 34.

Comment alors le même évangéliste peut-il mettre dans sa bouche : « Heureux les artisans de paix, le Royaume des cieux est à eux. » Et un peu plus loin, dans le même sermon sur la montagne : « Moi, je vous dis de ne pas vous mettre en colère. » Mt5, 22

Comment s’en sortir ? Colère, pas colère ?

En cherchant une solution, je me suis arrêté alors sur la dernière béatitude, celle qu’on met de côté à la fois parce qu’elle est à la fin mais aussi parce qu’elle est plus dérangeante : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous.»

Le Royaume de Dieu ne supporte pas l’injustice. Comment lutter contre l’injustice sans porter en soi une forme de colère ? Comment supporter les insultes, les persécutions, comment survire au mensonge sans cette force intérieure qui s’appelle la colère ? La colère de Dieu dont parle le prophète Sophonie ?

Je me suis dis alors. Pourquoi, pour une fois, ne pas lire les Béatitudes à l’envers ou plus exactement dans le bon ordre. Je m’explique. Nous entendons en premier l’appel à la pauvreté du cœur. Puis généralement, nous lisons la suite comme une explication de cet appel à la pauvreté : consolation, douceur, miséricorde, paix, pureté, justice… Nous laissons ensuite comme je l’ai dit la dernière béatitude de côté.

Mais pourquoi ne pas penser que tout ce qui est dit converge vers la fin et l’appel à vivre la persécution pour la justice, l’appel à supporter l’insulte et le mensonge. Pourquoi ne pas penser que la finalité n’est pas la pauvreté ou le cœur pur mais cette lutte qui nécessite la colère mais une colère alors transformée par l’esprit de pauvreté, de miséricorde, de consolation, de paix… Une colère qui n’oublie jamais l’appel à être heureux.

Plutôt que pieusement mettre de côté la colère et la colère de Dieu, je vous propose donc de penser que Jésus nous enseigne sur la montagne à ajuster nos colères à la juste colère de Dieu. Et comme Jésus ne fait pas qu’enseigner mais qu’il vit et assume ce qu’il enseigne, je vous propose de penser qu’il est la sainte colère de Dieu.

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