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Homélie de Bruno Millevoye, 5e dimanche de Pâques 7 mai 2023

Dernière mise à jour : 11 mai 2023

Homélie de Bruno Millevoye, 5e dimanche de Pâques 7 mai 2023

De l’émotion à l’action

La répétition du verbe croire : « vous croyez, croyez en moi, celui qui croit » m’avait conduit à écrire à propos de nos amis qui demandent un sacrement, le mariage, le baptême pour leur enfant, la communion ; qui disent être croyants mais non pratiquants. Peut-on être croyant et non pratiquant ? Finalement, j’avais renoncé à en faire le sujet de mon homélie parce qu’il y avait trop de jugements dans ma façon d’apprécier les choses et également trop de généralités.

Je m’étais mis alors à travailler sur l’émotion et le lien avec le fait de croire. Pourquoi, parce que Jésus dit à ses disciples : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » En général, nous passons à la suite, à la foi, au chemin, la vérité, la vie mais cette émotion, ce sentiment : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé. »

C’est alors que je suis tombé jeudi soir sur une double page du journal La Croix titrée : « Pourquoi les familles catholiques ont du mal à transmettre leur foi. » A croire donc !

En quelques mots, le constat est que la pratique religieuse est en régression chez les catholiques. Ce qui n’est pas le cas dans les familles juives ou musulmanes qui arrivent mieux à transmettre la foi. Il y a des rites précis, il y a une pratique en famille. Il y a également l’importance d’une identité forte : « être juif, être musulman. » Du côté catholique, c’est le sketch de Gad Elmaleh : « C’est un peu compliqué. » Tout est possible mais rien n’est précis. Également, l’appartenance religieuse n’exerce plus qu’une influence minime sur la vie sociale et sur notre identité. Il n’y a pas d’autres enjeux que de croire en Jésus. L’article se termine ainsi : « « Le destin d’une religion dépend certes de ses logiques de reproduction sociale, mais aussi de l’expérimentation personnelle d’une cohérence évangélique jugée authentique. »

Alors comment croire en Jésus ? C’est bien le sujet de l’évangile de ce jour. Je m’apprêtais à laisser de côté les émotions et à redevenir sérieux quand je me suis arrêté en relisant l’article sur la réflexion de Catherine, une maman qui cherche à bien faire pour que ses enfants croient. Je cite le journal : « Il faut que le rite parvienne à ouvrir sur le message d’amour inscrit dans la foi catholique et trouve son chemin vers le cœur. » L’amour, la foi et un chemin à trouver vers le cœur par les rites…

J’ai alors repris l’ensemble des chapitres 13 et 14 de l’évangile et voici ma réflexion.

« Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. »

Jésus dit ces mots dans un contexte précis. Il sait qu’il va vivre la passion. Il a réuni ses plus proches disciples pour un repas. Il leur a lavé les pieds. Il s’adresse à Pierre puis il annonce la trahison de Judas. Cela le remplit d’émotion. Judas quitte le groupe. Jésus alors annonce son départ et donne au 11 un commandement nouveau : « Aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. »

Pierre lui demande alors où il va, prétend qu’il peut le suivre et Jésus lui annonce sa prochaine trahison.

C’est alors qu’il leur dit : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. »

Il y a ici une immense émotion. Du côté de Jésus qui sait qu’il va vivre sa passion, qui prend acte de la trahison de Judas et qui sait que Pierre va le trahir. Les autres disciples ne sont pas supérieurs à Pierre comme Thomas et Philippe vont nous le faire entendre. Jésus assume qu’ils ne comprennent pas grand-chose à ce qui va sa passer. Conduit par cette émotion, Il appelle ses disciples à aimer comme il les aime et il prend soin de prévenir leur émotion « ne soyez pas bouleversés » en leur demandant de croire en lui.

Alors cette émotion.

Elle est produite par le cœur. Le cœur est dans la bible selon Philippe Lefebvre dominicain « l’instance charnelle de l’intelligence et de la pensée. » C’est ce cœur qui est sollicité pour répondre au commandement de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » L’émotion est le signe que le cœur a entendu l’appel. Mais l’émotion ne doit pas nous enfermer : « Ne soyez pas bouleversés. » Nous devons passer de l’émotion à la foi : « Croyez en moi. » Et la foi en Jésus va nous permettre de mettre en œuvre le commandement de l’amour. Notre cœur porté par la foi pourra aimer.

Mais, et c’est ce point sur lequel je veux insister parce qu’il est vite mis de côté, il y a tant à entreprendre : vérité, chemin, vie, les œuvres, ne laissons pas de côté, ne regardons pas de haut nos émotions. Elles sont produites par la même réalité charnelle qui nous engage à aimer en mettant notre foi en Jésus-Christ : notre cœur.

Nous sommes bien d’accord, les émotions qui viennent du cœur peuvent déboucher sur du n’importe quoi. Mais il est pire de transformer nos cœurs en cœurs de pierre… Pensons à ce qu’a écrit le prophète Ezéchiel : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. » Ez36, 26.

L’enjeu est de croire en Jésus et ainsi d’aimer comme il le commande. Mais c’est avec notre cœur qui reste et restera une instance charnelle. Il faut donc que la foi trouve un chemin vers le cœur. Cela passe par l’enseignement et la pratique, mais, ou plutôt et, il y aussi une place pour les émotions, les sentiments.

Catherine parle des rites qui ouvre sur le message d’amour inscrit dans la foi catholique. Les rites comme allumer une bougie, faire un signe de croix, se donner la paix, prier devant le tabernacle, se donner la paix, réciter le chapelet, dire intérieurement mon Dieu je t’aime dans la voiture ou dans le métro, sourire à quelqu’un au moment où nous pensons que Jésus a sauvé le monde… Des gestes ou attitudes simples qui sont la preuve, le signe que notre cœur est vivant et qu’il croit, prêt à l’action.

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