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Homélie 30e dimanche du Temps Ordinaire – 25/26 octobre 2025

Le courant pharisien est apparu vers le milieu du deuxième siècle avant Jésus-Christ, dans un contexte compliqué. Pour faire simple, le pays est sous la loi grecque et les autorités cherchent à helléniser la terre d’Israël et ses convictions religieuses. C’est un vrai défi pour la foi d’Israël, qui va conduire à un sursaut politique et religieux. C’est l’épisode des frères Macchabées et la révolte de Jean Hyrcan. C’est aussi dans ce contexte qu’écrit Ben Sira le Sage, entendu en première lecture, qui s’attache à communiquer la pureté de la foi juive, alors que le libéralisme ambiant ouvre au risque de tout mélanger. Cela n’est pas sans rappeler notre époque et son ambiance de tolérance relativiste. La foi d’Israël n’est pas une spéculation philosophique mais l’expérience d’une alliance avec le Dieu vivant. Les docteurs pharisiens qui ont renouvelé la pratique du judaïsme étaient des hommes simples, vivant péniblement du travail de leurs mains, pratiquant toutes les vertus des humbles et travaillant sincèrement au progrès des idées religieuses et morales. La critique moderne a reconnu depuis longtemps que ce n’est pas à eux que s’adressent les imprécations furieuses des évangiles. A qui s’adressent-elles alors ? Depuis longtemps, il y a pharisien et pharisien et la grande majorité d’entre eux sont même admirés par Jésus. Au chapitre 23 de l’évangile de Matthieu, Jésus dit formellement : « faites ce qu’ils disent, mais pas ce qu’ils font car leur conduite n’est pas conforme à leur doctrine » (Mt 23,3). Il approuve donc la doctrine pharisienne mais il désapprouve les faux pharisiens qui sont par ailleurs dénoncés par le peuple et par d’autres pharisiens.

Car parmi eux, il y a une classe attirée par le pouvoir, les honneurs et les privilèges, qui est dénoncée aussi dans le Talmud au 3ème siècle, à travers une galerie de 7 espèces de faux pharisiens. Ces catégories sont honnies du peuple et Jésus ne fait que les reprendre. Ce sont eux qui ont conduit à ce que nous désignons sous le terme de « pharisaïsme », terme équivalent à « hypocrisie », « fausse dévotion », « poudre aux yeux » ou encore « supériorité prétentieuse ». Les juifs eux-mêmes les appellent « les pharisiens teints », ceux qui ont la couleur et les apparences, mais pas la profondeur. Rappelons au passage que St Vincent de Paul a repris l’image en parlant des « chrétiens en peinture »… Les pharisiens se disent être des « justes », c’est même une équivalence, « justes et pharisiens », mais l’évangile met dans la bouche de Jésus une autre compréhension de la justice que celle des pharisiens prétendument justes : celle qu’on reçoit de Dieu et non celle qu’on s’attribue à soi-même.

C’est ainsi que commençait notre page d’évangile : Jésus « dit aussi, à certains qui mettaient leur confiance en eux-mêmes du fait qu’ils étaient des justes et qui méprisaient les autres, cette parabole… » 

La parabole évoque aussi un publicain, une sorte de collabo collecteur d’impôts, qui bien souvent se servait au passage. On se rappelle de Zachée à Jéricho, par exemple. Pas très fréquentable donc ! Comme le pharisien dénoncé par Jésus, il n’a que faire des pauvres, des opprimés, des orphelins et des veuves qui représentent les catégories défavorisées que la loi est censée protéger, ces gens qu’il est facile de juger sur leur mine. Mais il se reconnaît pécheur, là où l’autre n’est « pas comme » les autres, se permettant ainsi de les toiser de haut et de les juger.

Ce n’est pas le choix de Dieu ! La Révélation nous parle d’un Dieu qui s’est engagé dans l’histoire, qui « a vu et entendu la misère de son peuple et ses cris sous les coups » et qui va libérer le peuple de l’esclavage en Egypte. Or, « nos larmes coulent sur sa joue » comme l’écrit Ben Sira. La prière est vraie quand elle nous pose devant Dieu avec toutes les blessures de nos existences, bien plus que devant l’étalage de nos mérites… La prière humble est vraie quand elle mène le bon combat de St Paul, combat de l’espérance de la venue de Celui en qui nous pouvons tout. La prière est vraie quand elle nous met à notre juste place, quand elle nous abaisse comme les petits enfants que Jésus donne en exemple.

On prête à St François d’Assise cette réponse à un de ses frères, réponse qui semble correspondre parfaitement au message de Luc :

- Dieu, fit observer frère Léon, réclame notre effort et notre fidélité.

- Oui, sans doute, répondit François. Mais la sainteté n’est pas l’accomplissement de soi, ni une plénitude que l’on se donne. Elle est d’abord un vide que l’on se découvre et que l’on accepte, et que Dieu vient remplir dans la mesure où l’on s’ouvre à sa plénitude. Notre néant, vois-tu, s’il est accepté, peut devenir l’espace libre où Dieu peut encore créer.

(Eloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre, Paris, Editions franciscaines, 1984, p.114)

 

La prière n’est possible que si elle laisse un espace à Dieu, ce qui suppose que nous ne soyons pas pleins de nous-mêmes. Entre prière et précarité, il y a plus qu’une parenté lexicale…

Le Seigneur est proche du cœur brisé (Ps 33,19).

Amen.

Père Bernard VIGNERAS


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