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Homélie Jour de Toussaint 2025

Nous voici donc parvenus à la fête de Toussaint, qui ravive aussi en nous la mémoire de nos défunts, pour lesquels nous prierons demain. La Toussaint est une fête joyeuse, que j’entends parfois dénommée « Pâque d’automne », pour la mettre en relation avec la Pâque du Christ, et celle de Marie que nous célébrons le 15 août. « Si nous mourrons avec lui, avec lui, nous vivrons », disait Paul à Timothée (2 Tim 2,11). La Toussaint, c’est donc la fête de l’avenir de Dieu en nous. La sainteté c’est en effet l’avenir proposé par Dieu à tous les hommes. Nous sommes tous appelés à devenir des saints, à accomplir ce que nous avons reçu lors de notre baptême, à vivre comme des fils et des filles pour Dieu. C’est comme cela d’ailleurs qu’on appelait les premiers disciples : « les saints » non pour dire qu’ils étaient meilleurs que les autres mais parce que la vie de Dieu avait commencé de les changer, qu’ils savaient de qui ils tenaient leur origine profonde et quelle était leur destination finale.

Nous avons souvent une fausse idée de la sainteté et des saints que nous plaçons sur un piédestal dans les églises, de façon si haute parfois que nous sentons bien que ce n’est pas pour nous, que nous ne serons jamais à la hauteur ! Nous imaginons les saints comme des êtres lointains, bien au-dessus de nous, qui ont accompli des performances extraordinaires à coups de renoncements et de sacrifices exceptionnels, confits en ‘dévotions pieuses’. Pourtant, tous ces hommes et ces femmes qui ont été reconnus saints, étaient des gens comme nous ! Ils ont connu comme nous les limites de la nature humaine. Leur vie a souvent été un combat contre les forces du mal, en eux et autour d’eux. Mais ils se sont livrés tout entiers, avec leurs qualités, leurs défauts et leurs passions au dynamisme de Dieu et à son amour passionné. Et il y en a pour tous les goûts, si je puis dire ! Quels sont les saints qui nous parlent plus particulièrement, de qui nous demandons l’intercession ? Par ailleurs, je crois que tous les saints ne sont pas dans le calendrier. Le Pape François aimait parler des « saints de la porte d’à-côté ! » Tous les saints ne sont peut-être pas des chrétiens dûment estampillés… Il y aura de la surprise, là-haut !

Dieu seul est saint. C’est même sa spécificité, son être profond d’où viennent amour et miséricorde. C’est lui qui offre à tous, le véritable bonheur. Tous ces morts que nous pensions emportés dans la tourmente sont avec Jésus dans le bonheur de son Royaume. Ils ont obtenu la récompense de leur amour et de leur fidélité, purifiés dans la miséricorde. Ce message est important pour notre époque troublée et bouleversée. Accueillons-le comme un appel à réchauffer notre espérance, en cette année jubilaire.

Les chrétiens d’aujourd’hui comme ceux d’autrefois aiment invoquer les saints. Ce que Dieu a réalisé pour chacun d’eux, il le veut aussi pour nous. Nous partageons avec eux la même vocation d’enfants de Dieu. Pour y parvenir, Jésus nous montre le chemin. C’est l’évangile qui vient d’être lu.

Pour comprendre toute la portée de ces béatitudes, c’est vers le Christ que nous devons nous tourner. Il est le pauvre de cœur qui attend tout de Dieu et qui choisit de lui être fidèle jusqu’au bout. Il est le doux, celui qui relève la femme adultère sans brusquer ses accusateurs. Il ne cherche pas à mettre les coupables dans l’embarras ; et surtout il se réjouit quand il rencontre des gens de bonne volonté. Il est le miséricordieux qui se penche vers les misères physiques et morales et qui cherche à les apaiser. Il est l’artisan de paix qui invite sans cesse à pardonner et qui a donné l’exemple sur la croix : “Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.” Quant à être persécuté, il suffit de lire la Passion pour s’en rendre compte. Lui le Fils de Dieu a été condamné au nom même de Dieu.

Ces béatitudes de l’évangile sont donc avant tout un portrait de Jésus lui-même. Mais elles sont aussi le programme de notre vie chrétienne, elles nous montrent le chemin pour parvenir au vrai bonheur. Accueillons-les comme un appel à nous laisser modeler par lui à son image. Alors, tous ensemble, nous dessinerons son portrait. Comme un vitrail, nous reflèterons sa lumière pour que tous les hommes nos frères puissent être attirés par Lui.

Vous aurez noté que toutes ces béatitudes ont une dimension relationnelle forte. Heureux ceux et celles qui cultivent les relations à tout va, pourrait dire l’évangile des Béatitudes ! Heureux les êtres en relation et même en dépendances mutuelles ! Heureux celles et ceux qui se sentent responsables des autres ! Heureux celles et ceux qui sont touchés aux entrailles par la fragilité de leurs contemporains ! Heureux les bénisseurs d’humanité, chercheurs de lumière et passionnés de vie fraternelle ! Chacun de nous pourrait prolonger la liste des Béatitudes. J’y mets pour ma part celle-ci : heureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes, ils n’ont pas fini de s’amuser et d’amuser les autres !

J’aime que le mot grec qu’on traduit par « heureux » porte dans son étymologie l’idée d’un mouvement. Ce n’est pas un bonheur ‘pépère’ que Jésus nous demande de vivre, mais une sortie de soi, un mouvement extérieur tout autant qu’intérieur pour être service et charité en actes, pour porter humblement mais sûrement l’engagement pour la vie plus grande que la mort. D’ailleurs, Chouraqui traduit le mot par « en avant ! » En avant, frères et sœurs pour bâtir ce monde fraternel et juste, dans l’esprit des béatitudes !

Bernard VIGNERAS

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