Homélie de Ferdinand SEBRE, 26e dimanche du temps ordinaire, 29 septembre 2024
Ce dimanche où nous célébrons les journées mondiales du migrant et du refugié pourrait être appelé le dimanche de la catholicité ; les textes nous invitent à l’ouverture, à la différence, à celles et ceux qui ne sont pas de notre groupe, celles et ceux qui ne sont pas comme nous et ou qui ne font pas les choses comme nous.
En effet dans la première lecture de jour,
Dans la première lecture, Josué s’insurge contre Eldad et Medad qui prophétisent dans le camp et demande à Moïse d’empêcher ceux qui ne sont pas des « officiels » de prophétiser. Et Moïse de répondre : « Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes !» Dans l’évangile, Jean dit à Jésus : « quelqu’un qui n’est pas de notre groupe chassait les démons et nous voulions l’empêcher ». Jésus demande de le laisser faire. Moïse et Jésus invitent à la tolérance et à l’ouverture envers ceux et celles qui sont différents de nous. Ce dimanche pourrait être celui de l’œcuménisme et du respect des diversités.
Le Pape Jean XXIII disait : « l’Église est comme une vieille fontaine de village qui a abreuvé des générations pendant des siècles. Les gens passent et la fontaine reste. La fontaine ne distingue pas entre les sympathiques et les antipathiques, entre les bons et les mauvais, entre les marginaux et les bien-pensants. Elle les accueille tous avec sa générosité proverbiale. »
L’objection de Jean dans l’évangile est celle de tous les intégristes, de toutes les personnes fermées aux autres : « Il n’est pas des nôtres !». C’est la tentation des esprits sectaires. Heureusement, il y a Jésus pour interdire les excommunications : « Ne les empêchez pas, acceptez la diversité, respectez ceux et celles qui sont différents de vous ». Le Christ veut nous guérir de notre mesquinerie, de notre vision trop étroite.
Les intégristes et les sectaires sont plus rapides à fermer la porte qu’à l’ouvrir : « Ils ne sont pas des nôtres ! : ils ne sont pas chrétiens, pas de notre parti politique, pas de notre idéologie. Montrez vos papiers ! Vous n’êtes pas francophone, pas anglophone, pas catholique, pas pratiquant, pas libéral ! Vous n’appartenez pas à mon syndicat, à mon école, à mon club. Vous êtes de la gauche, de la droite, du centre... alors, je ne vous écoute pas ! Si je le peux, je vous ferai taire, je vous empêcherai de parler et d’agir. » Le sectarisme n’est pas mort !
Il n’y a pas si longtemps, avant le Concile Vatican II, l’Église défendait aux catholiques d’avoir des contacts avec les protestants et avec les non-chrétiens. Il fallait la permission du curé pour s’inscrire dans une école anglaise et il était interdit d’entrer dans une église protestante.
Il fut un temps où l’on interdisait tout ce qui ne répondait pas à nos valeurs et à nos critères : livres, films, musique, pièces de théâtre, etc. « La censure nous protégeait », de tout ce qui ne répondait pas à nos normes, sans se soucier de ce qui pouvait être bon dans ce que l’on rejetait. Il ne s’agit pas qu’il ici de s’ouvrir à tout et n’importe quoi comme le dit pape Paul VI dans son encyclique Ecclesiam suam: «l’Église doit être prête à soutenir un dialogue ouvert avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, à l’intérieur et à l’extérieur de ses cadres. Personne ne doit être considéré comme étant en dehors de son cœur. Personne ne doit être considéré comme son ennemi, à moins qu’il ou qu’elle ne choisisse de l’être. »
Jésus est le « catholique» par excellence, l’homme universel (c’est le sens du mot «catholique») Il présente Dieu comme celui qui fait pleuvoir sur les bons et sur les mauvais, qui fait briller son soleil sur tous. Il protège la femme adultère, contrevient à la loi qui interdit de s’approcher des lépreux, s’assoie à la table des pécheurs, côtoie les publicains, les prostituées, les samaritains.
Le Pape Jean XXIII disait : « L’Église a de nombreux ennemis, mais elle ne doit être l’ennemi de personne.»
Les textes d’aujourd’hui nous invitent à réfléchir sur nos préjugés, nos exclusions, nos rejets des autres. L’ouverture ne nous oblige pas à renoncer à notre propre identité chrétienne, au contraire elle la renforce, non dans l’affrontement mais dans le dialogue. C’est dans cette perspective qu’ll faut entendre le pape Paul VI nous dire dans son même encyclique Ecclesiam suam, : « L'Église se fait parole ; l'Église se fait message ; l'Église se fait conversation » (n° 67).
Dialoguer pour comprendre, pour s’émerveiller, pour s’enrichir ! Lorsque l’on s’approche des autres, que ce soient des Anglicans, des Méthodistes, des Mormons, des Musulmans, des Indus, des Juifs, des non-croyants, des athées, des animistes, on y découvre des perles d’humanité et de spiritualité.
L’expression de Cyprien de Carthage « Hors de l’Église point de salut » ne saurait s’appliquer dans ce cas de figure. Parce qu’on se rend compte qu’en dehors de l’Église, il y a plein de salut, que des milliers de gens chassent les démons, c’est à dire qu’ils luttent contre le mal, la maladie, les préjugés et la discrimination. Il existe de nombreuses personnes qui font un travail exceptionnel dans un grand esprit de fraternité et d’engagement...
Ni le groupe des Douze, ni aucune Église ne sont seuls dépositaires de l’Esprit de Dieu. Hors de nos cénacles, l’Esprit souffle, imprévisible, libre comme le vent (Jean 3,8).
Le Christ nous invite aujourd’hui à être ouvert à ceux et celles qui veulent faire le bien, à être édifiés par leurs engagements, à admirer le beau travail que font ceux et celles qui ne sont pas de notre groupe, de notre parti politique, de notre nationalité. Laissons Jésus nous redire « Ne les empêchez pas, même s’ils ne sont pas des nôtres.»
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