En équipe d’animation pastorale, nous avons au mois d’octobre pris le temps d’échanger sur ce qui nous paraissait être les attentes et les besoins de notre paroisse. L’un de nous, l’une de nous plus précisément, a dit l’importance des témoignages de vie et donc de pouvoir entendre ou rencontrer des témoins de la foi.
Cette fête de la Toussaint est la fête des témoins qui nous parlent par leur vie de Jésus. Ainsi qui nous donnent l’envie, le désir de nous lever, de changer, d’aller de l’avant. Ou bien qui nous redonnent du courage, le goût de vivre, une consolation, un regain de volonté…
Ces témoins, ces saintes et ces saintes sont une multitude mais tous, d’une façon ou d’une autre se sont laissé façonner par ce texte des béatitudes.
Du coup, j’ai imaginé une personnalité, une personne dont les béatitudes serait le portrait.
En puisant librement dans un commentaire de Pierre Bonnard, pasteur et exégète, voici le portrait de cette personne.
Elle est pauvre. Elle a une longue expérience de la détresse économique et sociale. Pour cette raison, elle a appris à ne plus compter que sur Dieu et son salut. C’est pour elle que Dieu envoie ses prophètes, ses serviteurs. Ainsi dans le livre d’Isaïe 61 : « L’Esprit du Seigneur est sur moi… Il m’a envoyé porter un joyeux message aux humiliés, panser leur cœur brisé… » Ainsi dans l’évangile : « La Bonne nouvelle est annoncée au pauvre… » Mt7, 5.
Son cœur, en revanche, n’est pas pauvre, ni en Saint Esprit, ni en intelligence. Au contraire, l’Esprit vit, loin des apparences, au plus profond et au plus concret de sa condition. Ainsi sa conscience spirituelle et sa dignité sont à nu devant Dieu et devant les hommes. Ainsi Dieu est près d’elle comme il est près de ceux qui ont le cœur brisé. Il sauve ceux qui ont l’esprit abattu. Ps34, 19.
Elle est affligée mais elle trouve auprès de Jésus sa consolation. Auprès de lui, elle pleure ses parents, ses amis, son enfant, sa fragilité sociale. Dieu la console parce qu’il a promis aux affligés la consolation. Elle devient alors témoin de la consolation de Dieu.
Elle se retrouve alors avec d’autres, foules des affligés, autour de Jésus. Il est l’homme qui s’est approché d’eux sans crainte. Il est Dieu qui se rend visible. Ce peuple autour de lui est doux, confiant. Il n’attend rien de la société mais il sait que Dieu pense à lui : « Moi je suis pauvre et misérable mais Dieu pense à moi. Tu es mon aide, mon libérateur. Mon Dieu ne tarde pas. »(Ps40, 18)
Ce peuple est heureux auprès de Jésus, Dieu qui les aime, les soutient. Il est leur terre. Ils ne possèdent rien et ne réclament rien. Dieu leur donnera une terre gratuitement. Ils ont tout. C’est la confiance des pacifiques et des humiliés.
Solidaire de ce peuple, elle est pauvre mais pas de désir. Elle a faim et soif, besoin du cœur comme du corps. Besoin de la justice de Dieu qui seul délivre les opprimés. Dieu aime la justice alors avec les hommes au cœur droit, elle le contemple et en lui trouve sa joie. (Ps11, 7)
Son cœur devient toujours plus comme le cœur de Dieu, miséricordieux, amour sans limite, sans barrière. Amour en acte qu’elle porte par des mots, des actes, des attentions. Qu’elle reçoit aussi. Cette miséricorde a sa source inépuisable dans la confiance qu’elle met en la fidélité de Dieu.
Son cœur se purifie. Il n’est plus partagé. Il est sincère, loyal, servant Dieu et les hommes sans calculs intéressés.
Dans cet échange naissent et se développent l’entraide fraternelle et le pardon mutuel. En mettant sa confiance en Dieu seul, elle sait maintenant agir pour le bien de tous. Elle contribue au bien de ce peuple auquel elle appartient. Elle sert la paix pour le bien de tous. Elle reçoit une nouvelle identité : fille/fils de Dieu.
L’Esprit qui conduit sa vie, les paroles de compassion qu’elle exprime, les actes bienveillants qu’elle pose provoquent la médisance et la moquerie. Le Royaume de Dieu auquel elle appartient ne s’accorde pas avec le pouvoir des hommes. Elle découvre le mensonge qui a le pouvoir de changer le vrai en faux, le bon en mauvais. Mais il n’a pas de pouvoir sur les promesses de Dieu. Elle se réjouit malgré l’épreuve en Dieu son sauveur…
Dans le contexte de violence et de guerre qui est le nôtre, nous pourrions penser que cette personne, cette personnalité, cet Esprit qu’induisent les béatitudes est bien utopique, hors sol. Nous pouvons aussi raisonnablement penser l’exact contraire. Seuls ces personnes, ces personnalités, cet Esprit peuvent contribuer à la paix.
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