Homélie de Bruno Millevoye, 29e dimanche du temps ordinaire, 22 octobre 2023
L’Évangile nous fait entendre une expression bien connue, sans doute une des plus connues du Nouveau Testament : « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » C’est la réponse de Jésus dans un contexte polémique au point qu’il traite ses interlocuteurs d’hypocrites.
Il y aurait beaucoup à dire notamment sur la façon dont Jésus procède pour sortir du piège qu’on lui tend. J’ai choisi de m’en tenir pour mon commentaire à cette expression qui conclut cet affrontement : « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Commençons par César. Rendre à César.
Il y a ici l’affirmation d’un principe que l’Église enseigne qui est de rendre à chaque réalité qui constitue notre monde ce qu’on lui doit. A César la pièce qui sert à payer les impôts qu’il fixe puisqu’il a le pouvoir politique. Mais nous pouvons appliquer cette logique à tous les domaines de l’existence. Si vous êtes malade, je vous conseille d’aller voir un médecin. Si le robinet de la cuisine ne fonctionne pas, un plombier. Si la panne est électrique, un électricien. Si vous voulez construire une maison, c’est mieux de demander à un architecte…
Tout cela est très clairement exprimé au n°43 de la constitution pastorale Gaudium et Spes, l’Église dans le monde de ce temps du Concile Vatican 2.
Je cite : « Le Concile exhorte les chrétiens, citoyens de l’une et de l’autre cité. » Donc César, Dieu… « à remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se laissant conduire par l’esprit de l’Évangile.
Ils s’éloignent de la vérité ceux qui, (n’ayant que comme seule perspective Dieu) croient pouvoir négliger leurs tâches humaines. (La foi même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en fait un devoir pressant.) »
Comment, conduits par la foi, nous apportons notre contribution aux tâches terrestres ? L’Église nous aide à répondre à cette question par son enseignement social.
Mais, j’en reviens au n°43 du Concile : « Ils ne se trompent pas moins ceux qui, à l’inverse, croient pouvoir se livrer entièrement à des activités terrestres en agissant comme si elles étaient tout à fait étrangères à leur vie religieuse…
Ici, le concile s’adresse bien à nous, aux chrétiens.
Il ajoute : « Ce divorce entre la foi dont ils se réclament et le comportement quotidien d’un grand nombre est à compter parmi les plus graves erreurs de notre temps. »
L’erreur, c’est, en rapport à l’évangile de ce jour, d’oublier de rendre à Dieu ce qui est à Dieu. Nous allons discuter de savoir ce que nous avons à rendre à César, mais et Dieu ?
Se pose une question : Qu’est-ce qui est à Dieu ? Que devons-nous lui rendre ? Que nous a-t-il donné ? …
Voici la réponse de Paul dans sa 2e lettre à Timothée. 2Tm1, 6-11
« Ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains. »
Paul précise ce don : « Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération. »
Timothée est appelé à vivre les conséquences de ce don : « avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. »
Puis Paul précise : « Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles. Maintenant elle est devenue visible, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté : il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile, … »
Avons-nous une dette à l’égard de Dieu comme nous l’aurions à l’égard de César ? Non. Dieu donne indépendamment de ce que nous pouvons lui rendre. Le don de Dieu est sans condition. Jésus est sans condition. Son amour pour nous et le don de sa vie pour nous sont sans condition.
Mais alors pourquoi lui rendre grâce ? A un don d’amour il n’y a pas d’autre réponse que l’amour.
Comment nous y prendre ? Comment raviver le don gratuit qui vient de Dieu ?
Quand il s’agit des impôts, on nous explique ce qu’il faut faire, combien il faut payer. Mais comment faire quand quelqu’un donne gratuitement ?
Chacun peut se débrouiller, mais il y a un moment où nous le faisons ensemble. C’est à la messe. C’est même la raison d’être de la messe. Eucharistie, action de grâce, rendre grâce à Dieu.
Par toute la messe, nous communions à la vie du Christ et par lui, nous ravivons le don gratuit qui vient de Dieu, nous rendons grâce à Dieu. Cette action de grâce nous rassemble, nous unit les uns aux autres et nous appelle, parce que la messe a un début et une fin, à témoigner en acte. Rendre à César ce qui est à César.
Chaque jour si possible dans nos maisons et une fois par semaine tous ensemble à la messe, rendre à Dieu ce qui est à Dieu.
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