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Homélie de Bruno Millevoye, 22e dimanche du temps ordinaire, 3 septembre 2023

Dernière mise à jour : 8 sept. 2023

J’avais en tête cet évangile et surtout je cherchais ce que j’allais bien pouvoir vous dire de l’annonce que Jésus fait de sa mort, de l’appel à porter notre Croix. Et puis j’ai pensé au film que je venais de voir sur Arte, un film qui s’intitule « La mort de Staline. »

Nous sommes à Moscou en 1953. La dictature règne en URSS depuis plus de vingt ans, avec son cortège d’arrestations, d’exécutions et d’exils forcés. Et voilà que le "camarade" Joseph Staline meurt d’une crise cardiaque. Le film raconte de façon humoristique comment les membres du Politburo – Khrouchtchev, Beria, Molotov et Malenkov – rivalisent de coups tordus pour s’accaparer le pouvoir.

La méthode principale de ce pouvoir est de tuer ses opposants. Le fim commence. Staline est encore vivant. Il donne une liste au chef du NKVD, la police secrète. Toutes les personnes sur la liste doivent disparaître. Le responsable s’exécute comme il irait faire ses courses. La mort du dictateur va changer la donne, déclencher une terrible lutte de pouvoir et les noms des personnes sur les listes vont changer. Par le talent du réalisateur (Armando Iannucci) et des acteurs, cela devient une comédie réussie mais elle nous renvoie à des événements historiques dramatiques.

Quel rapport avec l’évangile de ce jour ? Et bien d’un côté, un personnage puissant qui à l’aide de ses sbires décide de la vie et de la mort et tue des dizaines de milliers de personnes. De l’autre côté Jésus qui accepte une mort, la sienne. Il en fait un don pour l’humanité et il appelle ses disciples, s’ils le veulent, à le suivre en renonçant à eux-mêmes et en prenant leur croix.

Faut-il donc tuer ou être tué ? Faut-il faire souffrir ou souffrir ? Faut-il, même si ce n’est pas à la façon extrême de Staline, faire peser notre pouvoir ou subir le pouvoir ?

Est-ce qu’il n’y aurait pas une 3e voie. Ni faire souffrir, ni souffrir. Ni faire subir, ni subir, ni éprouver ni nous-même vivre l’épreuve, ni tuer, ni mourir ?

C’est la voie que veut emprunter Pierre : « Cela ne t’arrivera pas. » Tu n’as pas besoin de risquer ta vie. Il est possible que tu changes le monde par l’exercice de ton pouvoir sans que nous ayons à souffrir, à mourir.

Vous avez à l’oreille la réponse de Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! » « Tu es pour moi une occasion de chute. » Jésus est donc tenté par la réflexion de Pierre. Or la pensée de Pierre est une pensée d’homme, la nôtre. Or Jésus veut se laisser conduire par les pensées de Dieu.

Comment les comprendre ? Pourquoi faut-il, quoi qu’il arrive, souffrir, être éprouvé, mourir ?

Il y a un autre moment dans l’évangile de Matthieu où il est question de Satan. Ce sont les tentations au désert. Elles se terminent parce ce que Jésus dit non au tentateur « Arrière Satan. » Celui-ci vient de le tenter à trois reprises. Parmi les tentations, il y a celle du pouvoir. Tu règneras sur tous les royaumes que tu peux voir. Il y a aussi celle de la facilité. « Les anges te porteront sur leur main. » C’est-à-dire que tu ne connaîtras pas l’épreuve. C’est exactement ce que pense Pierre. C’est une illusion.

Par conséquent, il n’y a pas d’alternative. Si nous voulons exercer un pouvoir et que ce pouvoir soit bénéfique, nous connaîtrons l’épreuve, des difficultés, des contrariétés, des souffrances. « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »

Comment en ce début d’année scolaire honorer cet appel auquel nous pouvons adhérer au moins intellectuellement alors que nous n’avons pas l’intention ni de mourir ni même de souffrir ? Est-ce que cet évangile peut nous aider à faire mieux ce que nous avons à faire, exercer autrement notre pouvoir, nos responsabilités ?

Il y a une piste possible si nous entendons ce que dit Jésus comme un appel à donner notre vie, donner de nous-mêmes. Sans entrer dans les détails du texte, c’est le sens de ce qu’il dit : « Celui qui perd sa vie, sous-entendu la donne, la trouvera. » De même, que pouvons-nous donner en échange de nos vies ? Pas d’autre vie que la nôtre. Qu’elle devienne ainsi un don.

Il se trouve que je me suis rendu dans les établissements scolaires pour préparer la rentrée. Les lieux étaient vides d’élèves, les salles n’étaient pas encore en ordre, des travaux devaient se finir mais déjà, les enseignants étaient là pour préparer la rentrée. N’est-ce pas un don de soi ? Peut-être que le don n’est pas immédiatement ce qui vient à l’esprit. C’est plutôt d’abord notre travail, des obligations, des contrariétés, le regret de ne plus être en vacances, la mauvaise conscience de ne pas faire suffisamment bien, la part de calcul dans notre engagement… Mais si nous renoncions à toutes ses pensées c’est-à-dire à nous-mêmes ? Si nous prenions notre croix qui est le signe d’une vie donnée ? Si nous suivions Jésus et ainsi qu’il soit notre compagnon de route ?

Je vous propose donc que la Croix soit non le signe de l’épreuve. De toute façon, elle est là. Mais le signe de notre vocation, de cette capacité intérieure à faire de nos existences et en particulier de notre travail un don. Cela suppose une prise de conscience, un choix à faire, un état d’esprit à cultiver.

Dans le film « La mort de Staline », les personnages sont des marionnettes d’un scénario qu’ils subissent mais aussi qu’ils ont, pour les principaux dirigeants, accepté. Ils ont fait un choix et tout devient absurde.

Nous pouvons faire d’autres choix. Nous ne sommes pas menacés par un dictateur. Nous pouvons faire le choix de suivre Jésus Christ en prenant nos croix et ainsi de faire de nos vies un don.

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