Nous venons d’entendre un passage d’évangile que nous connaissons et que nous aimons pour ce qu’il dit des tout-petits et le repos qu’il promet. Je vais l’aborder à travers deux points : parler de Dieu en vérité et les jougs et fardeaux de nos vies.
Premier point : Peut-on connaître Dieu, parler de lui, agir en son nom en vérité ? Selon l’évangile, oui par le fils. D’autre part, les petits reçoivent également une connaissance de Dieu, une révélation, qui n’est pas accessible aux sages et aux savants.
Cela m’a fait penser à une vidéo que j’ai regardé il y a quelques temps, une vidéo qui présente une soirée de guérisons organisée dans un cadre catholique ces derniers mois. (1)
A plusieurs reprises, l’animateur principal interpelle les adolescents présents à cette soirée, les fait témoigner de guérisons dont ils ont bénéficié. Petit à petit, dans cet échange sympathique, il obtient l’adhésion de l’assemblée à son discours. Je fais le lien avec l’évangile : les petits, en l’occurrence les adolescents, ont bénéficié d’une guérison, ils ont la simplicité d’en témoigner, nous ne pouvons que nous réjouir et croire. A un moment il interroge une jeune fille pour lui demander de témoigner de la guérison dont elle avait bénéficié. Dans l’ambiance chaude de la soirée portée par une belle musique d’ambiance, l’assemblée applaudit. « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tous petits. » CQFD. Cette soirée de prière et de guérisons m’a scandalisé car il s’agit d’une instrumentalisation d’adolescents, d’une manipulation, d’une démarche malhonnête et dangereuse, un abus public de conscience.
Quand Jésus dit ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits, ne prend-il pas le risque que la manipulation devienne le mode de pensée et d’action des croyants. Les sages et les savants ont beaucoup de défauts et sans doute celui principal de penser que la vérité est au bout de leur raisonnement mais ils ont l’avantage de poser des arguments qui sont discutables et critiquables et ainsi nous donner des instruments qui nous protègent des manipulations et des manipulateurs.
Dans un registre tout à fait différent, nous discutions avec des amis de la position de l’église à l’égard des personnes divorcées et remariées. La position sage et savante de l’église, logique, rigoureuse nous paraissait ne pas entendre ce que les petits reçoivent, des femmes et des hommes qui veulent en toute conscience de leur histoire, de leur échec, de leur fragilité s’aimer et aimer.
J’ai pris deux exemples très différents pour réfléchir à cette préférence de Jésus pour les tout-petits sans vouloir en tirer une synthèse mais simplement réfléchir avec vous.
Un mot cependant qui est dans l’évangile et qui est attribué à notre Père pourrait tout reprendre : bienveillance. Ne serait-elle pas l’état d’esprit qui permet de discerner le vrai du faux, ce qui vient de Dieu et ce qui est mensonge et apprendre à parler de Dieu en vérité ?
L’autre sujet est celui du joug et du fardeau. En fait, il y a deux sujets : le fardeau qu’il faut tirer et le joug qui permet de le tirer. Jésus nous promet le repos. Mais il ne nous promet pas que nous serons délivrés du fardeau ni même du joug. Cela peut nous décevoir. Il aurait été si simple de dire « Venez à moi et vous n’aurez ni fardeau à tirer, ni joug à porter. » Moi, ça me rassure parce que quelqu’un, une philosophie, une sagesse à la mode qui me promettrait de me délivrer de tous mes soucis, je m’en méfierais… Voir séance de guérison de mon point numéro 1.
Alors que veut dire que le joug de Jésus est facile à porter et son fardeau léger. L’évangile s’inspire très certainement d’un passage du livre du Siracide au chapitre 51. Or ce livre est un livre de sagesse. Il s’agit donc non d’apprendre une recette miracle mais d’acquérir une sagesse, une façon de vivre ce que nous avons à vivre et en particulier porter nos fardeaux autrement avec plus de facilité et de légèreté.
Pour une part, la sagesse est dans le fait que l’évangile parle à la fois du joug et du fardeau. C’est-à-dire que la manière dont nous abordons une difficulté est aussi importante que la difficulté elle-même. Nous n’avons que rarement prise sur les fardeaux. Mon enfant est en difficulté et bien je vais passer à l’action. Mais comment ? A la fois comment faire mais aussi comment penser ce que j’ai à faire. A ce moment, il y a plusieurs façons de faire et il peut être sage de regarder le Christ et d’apprendre de lui la façon dont il a porté les péchés du monde…
Ce matin, la sagesse du Christ conduit à reconnaître dans les tous petits ceux qui nous révèlent Dieu notre Père. Sans doute est-ce en nous préoccupant d’eux, des petits, des pauvres, des malades comme l’a fait Jésus que nous apprendrons à porter facilement nos jougs et que nos fardeaux deviendront légers.
Je me permets de l’illustrer à travers un épisode que j’ai vécu alors que j’habitais au Tchad. (Janvier 2016)
J’étais parti tôt un matin en vélo. Sur la route, j’ai croisé une personne sur son fauteuil roulant : il le faisait avancer comme moi mon vélo en pédalant mais lui, c'était avec les mains. De retour vers 12h, après mon tour en brousse, je l’ai retrouvé dans l'autre sens… Je me suis alors arrêté et nous avons parlé. J’ai compris qu’il devait faire encore environ 5km pour rentrer chez lui et qu’il était fatigué. Lui a compris que je connaissais le village où il devait se rendre et comme ça se fait naturellement dans cette région du monde, il m’a demandé si je pouvais venir un jour bénir son enfant qui venait de naître. Je lui ai répondu oui mais comme je ne savais pas s'il me connaissait, je lui ai demandé s'il était chrétien. Il m’a répondu qu’il était musulman mais que ça ne faisait rien. Et il a ajouté : " c'est la même route ".
Dans ces moments, il n’y a pas de doute sur le fait que Dieu se révèle aux tout-petits. Et dans ce moment-là, le tout petit, c’était autant cet homme que moi.
(1) Soirée Miséricorde avec les pères Daniel-Marie et Gilles Ferant https://www.youtube.com/watch?v=hStEgGZrtqo
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