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Jean-Marc Thomasset

Bruno Millevoye, 1e dimanche de l’Avent, 3 décembre 2023

Dernière mise à jour : 6 déc. 2023


Dans un texte (Laudate Deum) paru le 4 octobre en la fête de saint François, notre pape a renouvelé son appel (Laudato Si 2015) à nous mobiliser pour la sauvegarde de notre Maison commune la terre. Son initiative est située. Il devait participer à la COP28 à Dubaï en décembre 2023. Nous avons saisi cette occasion pour donner à notre paroisse un fil conducteur pour l’année. Il est tout entier dans les mots employés par le pape François dans sa lettre encyclique Laudato Si paru en 2015 :

« Nous voulons être une Église qui sert, qui sort de chez elle, pour accompagner la vie, soutenir l’espérance » (Pape François, Laudato Si, n°276).

Nous voulons en suivant ce fil continuer à aller hors les murs, à la rencontre des habitants de nos quartiers. Nous ne partageons pas nécessairement la même foi mais nous pouvons nous retrouver dans une même attention et volonté d’agir face à la crise climatique. « Tout est lié et personne ne se sauve seul. » nous dit le pape François (Laudate Deum n°19).

Mais pour aller de l’avant, nous avons besoin d’espérance. Sans être meilleurs que les autres, nous avons peut-être cette mission particulière de « soutenir l’espérance. »

C’est de cette espérance dont je voudrais parler en ce premier dimanche de l’avent.

Après la messe d’hier à St Alban, une personne est venue me partager sa réflexion. Elle est d’origine espagnole elle m’a dit. Espérer en espagnol et attendre, c’est le même. On a ça en Français : je t’espère. Mais c’est moins immédiat.

Je me suis alors dit, espérer, vivre dans l’espérance, c’est savoir vivre dans l’attente. Dans ce qui n’est pas donné encore, vivre et vivre pleinement, être vivant. Mais comment pour ne pas en rester aux mots.

Ça m’a fait penser à nos agriculteurs et plus précisément aux cultivateurs. J’ai commencé ma vie de prêtre à la campagne. J’ai un peu appris ce qu’étaient à travers eux le travail de la terre et tout l’esprit nécessaire pour la cultiver. Je pense que c’est le même esprit qui peut nous permettre de cultiver l’espérance.

Par nécessité, le travail de la terre permet de développer un bon rapport au temps. Le temps de l’Avent est un temps qui nous apprend à faire de ce qui finit une occasion de renouveau, de renaissance, Noël. Et bien nos amis cultivateurs, ils font cela tous les ans. Ils labourent un champ où il n’y a apparemment plus rien. Mais ils savent très bien que ce qui est semé en automne, en hiver, germera au printemps.

Beaucoup d’entre eux, pardon pour cette généralité, quand la récolte est mauvaise, manifestent leur mécontentement. Mais quand la récolte est bonne, ils pensent qu’elle aurait pu être meilleure. Donc ils grognent, ils ne sont jamais contents…

Et bien je pense que ce mécontentement quand il est attaché à un travail peut être une source d’espérance.

Nous en avons un excellent exemple avec le prophète Isaïe. Les jérémiades, c’est Jérémie mais Isaïe aussi sait se plaindre. Je vous propose une relecture de ce passage biblique, notre première lecture, et qui permet de faire un travail intérieur comme un cultivateur qui s’occuperait de son champ. Le champ, c’est notre vie.

Le fil de mon commentaire : du mécontentement (plainte, jérémiade) à l’espérance.

Le point de départ de ce travail est une affirmation de foi. « Seigneur, tu es notre Père, notre sauveur. » Ça a l’air de bien commencer. Nous retrouvons cette même affirmation de foi à la fin. Une répétition ? Non car la première affirmation est formelle, sans âme. Je dis ce que j’ai à dire mais cela ne suscite aucune vie en moi. Tout ce qui suit va permettre de passer de cette quasi mort à la vie.

Ce passage est rendu possible par l’expression du mécontentement. Isaïe doute, grogne. Ce n’est pas bien ? Non, c’est le signe qu’il ne veut pas en rester là. Le face à face entre une conviction et le doute va permettre tout un chemin intérieur.

Le premier temps de ce chemin est une question « Pourquoi » Une plainte. Et une plainte accusatrice : c’est de ta faute. C’est toujours la faute des autres : « Pourquoi nous laisses-tu errer ? » Mais déjà une première prise de conscience : « Notre cœur est endurci. » Les autres oui mais et mon cœur qui est si dur. Comment pouvons-nous espérer si notre cœur est endurci ?

Viens alors la tentation que le changement se fasse par un claquement de doigt. « Si tu déchirais les cieux… » Un prodige, un miracle. Oui, bien sûr tout est possible mais non. Il va falloir faire un travail de discernement.

Ici, c’est un exercice de mémoire qui est nécessaire. Tu as agi, les choses allaient bien mais pour quelle raison ? Cela conduit Isaïe à se rappeler que tout est possible mais pour celui qui sait attendre. Est-ce que nous attendons ? Est-ce que nous t’attendons ? Espero. Plus précisément, tout est possible pour celui qui pratique la justice avec joie ? Est-ce que nous pratiquons la justice avec joie. J’insiste, avec joie.

Alors oui, tu étais irrité. Nous ne trouvions plus en toi une aide, une source d’espérance mais c’est parce que nous avions péché. De manière très fine, l’auteur disait « Pourquoi nous laisses-tu errer hors de tes chemins. » Après avoir laissé aller sa plainte, il reconnaît qu’il s’est égaré. Lui, personne ne l’a égaré. Et s’il s’est égaré, c’est parce que ses actes qu’il considérait trop facilement comme justes n’étaient que du linge souillé. Après avoir accusé le monde entier et Dieu, le prophète est prêt à faire face à la réalité de son existence : Nous sommes desséchés comme des feuilles. Désespoir ? Pas du tout, cette prise de conscience permet d’aller jusqu’à la cause du mal. Nous nous plaignons que Dieu nous abandonne mais personne n’invoque plus son nom. Comment quelqu’un que nous ne craignons pas, que nous ne prions pas peut nous soutenir ?

Tu semblais absent, tu nous as seulement laissé faire…

Cette plainte nécessaire, ce travail de vérité conduisent à une nouvelle affirmation de foi. C’est la même qu’au début mais elle est l’expression d’une foi vivante, d’une espérance. Elle est un appel à se laisser façonner : « Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes. »

Pour que l’espérance ne soit pas un mot, nous avons un travail intérieur à vivre. Ce texte montre qu’il est possible de faire ce travail comme un cultivateur s’occuperait de son champ. Comme tout travail, il appartient à chacun de décider de le faire. Mais nous pouvons aussi nous encourager. Nous sommes ensemble pendant tout ce temps de l’Avent, profitons-en.

C’est toi, Seigneur, notre père ; « Notre-rédempteur-depuis-toujours », tel est ton nom.

(Question) Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ?

Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage.

Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face.

Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face.

Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire,

nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend.

Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins.

(Réponse) Tu étais irrité, mais nous avons encore péché, et nous nous sommes égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n’étaient que linges souillés. Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient.

Personne n’invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi. Car tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes.

Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père.

Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main.

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