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Dimanche 20 novembre 2022
Homélie de Bruno Millevoye, fête du Christ Roi, 34e dimanche du temps ordinaire

Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-11-20/romain/messe
La paroisse s’est rendue en pèlerinage à Assise pendant les vacances pour découvrir saint François.
C’est en priant devant le Christ représenté sur cette croix que François a entendu une voix l’appeler à rebâtir l’Église.
C’est la Croix de Saint Damien du nom de l’église dans laquelle il a prié. Nous sommes en 1205 et il a alors 24 ans. Depuis, la croix a été déplacée dans la basilique Sainte-Claire où elle est exposée depuis 1957.
Je vous propose que nous regardions, plus exactement que nous lisions cette icône pour mieux saisir le sens de cette fête du Christ Roi de l’univers.
Avant, un mot sur un épisode de la vie de François qui a précédé ce moment de prière devant le Christ de Saint-Damien
François était très ambitieux. Il voulait être chevalier, servir les rois de la terre. Après avoir failli perdre la vie dans une bataille, il a pris conscience qu’il valait mieux servir le roi du ciel, Dieu. Il a alors voulu, toujours avec la même ambition, aimer comme Dieu nous aime. Or, Dieu aime tous les hommes et surtout ceux que personne n’aime. A Assise, personne n’aimait les lépreux parce qu’ils étaient malades et contagieux. Alors, pour aimer comme Dieu aime, il s’est obligé à aller vers eux. Il a leur fait, comme il l’écrit dans son Testament : « Miséricorde. » Il les a aimés, c’est-à-dire qu’il leur a parlé, qu’il leur a apporté des soins mais aussi de la tendresse. Sa vie en a été transformée à tel point qu’il a décidé de vivre pauvre au milieu des pauvres pour que plus rien ne fasse obstacle à l’amour de Dieu qui l’avait rempli de joie.
C’est donc devant cette croix que François venait prier.
Que découvrons-nous de l’amour de Dieu, du Christ roi de l’univers en lisant cette icône ?
Nous voyons qu’il est grand, majestueux. Il a les bras étendus, grand ouverts comme ses yeux. Tous, nous pouvons venir à lui en toute confiance et il saura regarder chacun de nous.
Nous voyons le bleu sombre sous ses bras. C’est le tombeau dont il vient de sortir. La mort est vaincue.
Nous voyons le rouge au-dessus mais également tout autour de l’icône. C’est le couleur du sang, de la vie donnée de Jésus. C’est la couleur de l’amour de Dieu pour les hommes.
Jésus est vivant mais il garde dans ses mains, ses pieds et son côté les traces de sa passion, de la confrontation avec le mal. Nous voyons sous ses mains, les anges du matin de Pâques.
Il porte un pagne de lin brodé d’or. Le lin était utilisé par les prêtres. Jésus est l’unique grand prêtre qui nous unit à son Père. Il porte une couronne de gloire, une auréole. C’est la couronne du roi qui vient de triompher de la mort.
Il est entouré de Marie et de Jean à sa droite, de Marie Madeleine et de Marie mère de Jacques ainsi que d’un centurion à sa gauche. C’est celui dont le fils a été guéri par Jésus. Nous voyons le visage de cet enfant au-dessus de son épaule gauche.
Aux pieds de ces personnages qui ont tous la même taille sont représentés le soldat qui a transpercé de sa lance le côté du Christ et un de ceux qui ont condamnés Jésus. Ils sont tout petits. Ceux qui font obstacle à l’amour de Dieu sont, en réalité, tout petits. Les méchants, si nous les regardons avec les yeux grand ouverts de Jésus, sont tout petits.
Le Christ ressuscité est aussi représenté dans le médaillon du haut. Il monte au ciel. Le mouvement de sa jambe nous le laisse deviner. Jean-Baptiste et tous les justes qui sont au ciel l’accueillent.
Au-dessus, nous voyons la main de Dieu qui nous bénit en même temps qu’elle donne l’Esprit. C’est désormais lui qui nous transmet la vie, la force d’aimer comme Dieu nous a aimés. A la Pentecôte, quand nous fêtons l’Esprit, le prêtre revêt une étole rouge de la même couleur répandue dans cette icône.
Les personnages, à droite et à gauche des bras de Jésus représentent François et tous les saints et chacun de nous qui nous approchons de Jésus roi de l’univers pour apprendre à aimer comme il nous a aimés.
Si par exemple, nous pensons qu’il faut rebâtir l’Église, nous devrons apprendre à aimer les petits, les pauvres, les malades, les exclus. François peut être un bon guide.
Nous pouvons comme lui nous approcher de Jésus, le prier.
Prier comme le malfaiteur sur la croix et demander : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Nous pouvons donc prier quelques instants en relisant un passage de la lettre de Paul aux Colossiens.
« C’est lui le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. » Col, 1

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Dimanche 13 novembre 2022

Homélie de Bruno Millevoye, 33e dimanche du temps ordinaire

Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-11-13/romain/messe

Je n’avais pas très envie de vous parler de la situation dans laquelle se trouve l’Église de France. Mais comment ne pas le faire avec un tel évangile : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »

Face aux abus à l’égard de personnes mineurs mais aussi majeurs, nos évêques réunis dans cette institution que nous appelons la conférence épiscopale paraissent incapables de redresser la barre. Malgré les engagements, les premiers dates du début des années 2000, malgré les promesses officielles, les demandes de pardons, le mensonge ou tout au moins la dissimulation continuent à être le mode de fonctionnement de nos frères. S’ils n’ont sans doute pas tous la même responsabilité, rien ne semble permettre au collectif qui les réunit de nous sortir de cette situation désespérante.

Mais l’évangile nous renvoie également à la situation de nos sociétés qui refusent de tirer les conséquences du réchauffement climatique. Celui-ci rend aujourd’hui la vie impossible à nombre de nos contemporains. Or, nous ne sommes même pas capables de trouver une solution pour accueillir quelques dizaines de migrants réfugiés sur un bateau. Comment ferons-nous quand ils seront des centaines, des milliers ? Quelle attitude sera la nôtre quand, à l’intérieur même de nos sociétés, les plus démunis ne supporteront plus que les plus privilégiés d’entre nous cherchent à s’en sortir sans eux.

Cet évangile aussi, sans doute, renvoie à des situations particulières familiales, professionnelles, personnelles : le temple et ses décorations vont s’écrouler.

Celui qui annonce cette destruction avant qu’elle n’arrive est Jésus lui-même.

Discours prophétique, discours provoquant, discours qu’il ne faudrait pas écouter s’il n’était pas, avant tout, réaliste.

C’est pour ce réalisme qu’il faut le prendre au sérieux et c’est en le prenant au sérieux que nous trouverons cette espérance qui semble de prime abord absente. Ce ne sont pas les mensonges, les pardons orchestrés, les appels à la charité qui culpabilisent ceux qui agissent pour la justice qui permettent de construire, de reconstruire.

L’évangile nous appelle à regarder les choses en face.

Cependant, il le fait en vue d’une victoire. Si le Christ bouscule ses disciples, c’est pour leur permettre d’emprunter le chemin de la victoire. Ce chemin passe par l’épreuve et même la mort, mais c’est une victoire à laquelle nous sommes appelés. Cette victoire, c’est celle que Jésus nous a obtenue. Dans tout ce qu’il annonce, il nous précède. Cela donne du crédit à son appel. Sa victoire est notre perspective. Elle est devant nous.

Plus encore, celui qui nous a obtenu la victoire est avec nous. Quand on prend un stabilo et qu’on cherche fébrilement quelque chose de positif dans cet évangile, on trouve ces mots tout le long : « mon nom, moi » et cette expression : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu… » Celui qui parle avec exigence est avec nous. Il prend soin de nous.

Par conséquent la première exigence de celui qui veut prendre l’évangile au sérieux est de se tenir en présence de Jésus, d’approfondir sans cesse sa relation à lui, lui et son Père, lui et l’Esprit. Prier non pas pour nous échapper mais pour vivre en sa présence.

François d’Assise que nous avons eu le bonheur d’apprendre à mieux connaître dans les lieux même où il a vécu était un homme d’action et un homme de prière. Nous avons visité quatre ermitages où il aimait se recueillir. Sa lutte publique, son appel à la pénitence et à la miséricorde étaient conduits par sa prière, précédée par les luttes intérieures contre le mal qui était en lui. C’est dans ce face à face avec son Seigneur qu’il a appris à se laisser remplir de joie. C’est ainsi que la joie est devenue sa façon d’être.

C’est ainsi que nous ne nous laisserons pas égarer par le ressentiment, la haine, que nous dépasserons le découragement pour trouver le goût d’être chrétiens, le goût d’être membres d’une même église.

C’est ainsi que nous apprendrons à ne pas nous préoccuper de notre défense, à faire ce que nous avons à faire, peu importe les jugements.

C’est ainsi que nous ne serons pas terrifiés, que nous n’aurons plus peur que d’une chose : que l’Église ne soit pas un lieu sûr.

C’est ainsi que nous trouverons l’ambition de cultiver l’exemplarité nécessaire pour être crédible. François appelait ses frères à « convertir par l’exemple plus que par la parole »

C’est ainsi que nous trouverons la force, le goût, la joie de persévérer.

« C’est par votre persévérance que vous garderez la vie. »

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Dimanche 30 octobre 2022 et Toussaint
Homélie de Michel DURAND, 31e dimanche du temps ordinaire année C
Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-10-30/romain/messe

Nous connaissons bien l’épisode de Zachée. Je ne voudrais pas vous fatiguer avec un commentaire qui risque de ressembler à ceux que vous auriez déjà entendu de nombreuses fois.
Aussi, aujourd’hui et mardi, 1er novembre, fête de tous les saints, je puiserai dans Saint Augustin. Je choisis également d’évoquer la seconde lecture afin d’habiller le passage d’évangile que nous connaissons bien.
« Frères, (et soeurs) nous prions pour vous à tout moment afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ».
En fait, je me place dans la personne de Zachée et je me demande : une fois la rencontre avec Jésus pleinement réussie. Que va devenir notre existence ?
Dimanche dernier, une dame est venue - au moment des annonces (dimanche matin à Saint-Maurice) - parler de la présence de jeunes migrants/réfugiés dans le gymnase Marcel Dargent, rue du Premier Film/professeur Paul Sisley. Je leur ai rendu visite dans le gymnase. J’ai parlé longuement avec trois d’entre eux. Après quelques minutes de conversation, deux ont tenu à me dire qu’ils étaient chrétiens. Alors, je me suis présenté avec précision. J’avais alors en tête le thème de la récollection au centre spirituel du Prado, maison Saint-André, prévu au 13 novembre : Présence. Quelle présence aux réalités du monde, à moi-même, aux autres, à Dieu ?
Comment vivons-nous l’engagement du baptême qui nous constitue prêtre, prophète et roi ? Comment collaborons-nous avec le christ dans les trois actions essentielles : enseigner, annoncer ; sanctifier ; gouverner, prendre soin ? N’est-ce pas là, l’appel de toutes et de tous à la sainteté ? Zachée, recevant chez lui, Jésus, ne pouvait que comprendre cette nouvelle orientation de sa vie.
À sa suite, observons le lieu où nous nous dirigeons : le Royaume, l’Assemblée des Saints, le fait d’être en présence de Dieu Amour ; moment où nous serons rassasiés par la vision du Verbe.
Saint Augustin dans un sermon pour Noël a écrit :
« Qui donc, parmi les hommes, connaît tous les trésors de sagesse et de science cachés dans le Christ, et enfouis dans la pauvreté de sa chair ? Car lui qui est riche est devenu pauvre à cause de nous, pour que nous devenions riches par sa pauvreté. »
Notre connaissance ne sera jamais complète, tellement immense fut l’acte du Christ. En effet, « lui qui est riche (riche de richesse divine) est devenu pauvre à cause de nous, pour que nous devenions riches par sa pauvreté. » Nous ne devons pas oublié qu’il est venu « pour endosser la condition mortelle et pour terrasser la mort elle-même, il s'est infiltré dans l'état de pauvre » Pauvre dans sa chair humaine, il « nous a promis des richesses lointaines ». Pauvres, abandonnant les richesses du Créateur (Dieu), « il n'a pas réellement perdu celles dont il s'est éloigné ». Ce sont ses richesses qu’il nous donne.
« Comme ils sont surabondants, ses bienfaits ! Il les tient en réserve pour ceux qui le craignent, il en comble ceux qui espèrent en lui ! »
Présence aux autres, présence à Dieu… Et c’est cette richesse que nous sommes appelés à transmettre. L’admiration que ressent Zachée ne peut que se concrétiser :
« Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
Reprenons la lettre de Paul aux Thessaloniciens :
« Frères (et soeurs), nous prions continuellement pour vous, afin que notre Dieu vous trouve dignes de l'appel qu'il vous a adressé ; par sa puissance, qu'il vous donne d'accomplir tout le bien que vous désirez, et qu'il rende active votre foi. Ainsi, notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous, et vous en lui ; voilà ce que nous réserve la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ ».
St Augustin à juste titre enseigne que « notre connaissance est partielle, jusqu'à ce que vienne l'achèvement. Afin que nous devenions capables de le saisir ; celui qui est égal au Père comme ayant la nature de Dieu est devenu semblable à nous en prenant la nature du serviteur, et il nous recrée à la ressemblance de Dieu ».
Telle est notre vocation, ce à quoi nous sommes appelés.
Devenu fils d’homme en Marie, l'unique Fils de Dieu transforme de nombreux humains, dont Zachée, en fils de Dieu.
« Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Encore Saint Augustin, sermon 198 :
« Qui donne au pauvre ne manquera de rien » (Proverbe 28,27). Tu ne te souviens donc pas de ce que dira le Seigneur à ceux qui auront assisté les indigents : “Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume” ?»
Cette interrogation, alors que nous avons les yeux tournés vers le gymnase Marcel Dargent, nous ouvre l’esprit à la fête de la Toussaint. Tous les saints !
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Homélie de Michel DURAND, Toussaint année C, 1er novembre 2022
Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-11-01/romain/messe
Continuons notre méditation d’hier. Toujours avec l’appui de Saint Augustin et d’autres saints.

Les saints vivent dans la Vérité et jouissent de la présence de Dieu. Jésus-Christ, notre maître, nous a ouvert, avec les saints, les sources de salut qui répandent des bienfaits de toute nature ; ils sont le véhicule de l’Esprit-Saint. C’est pour cela que nous en vénérons les reliques, que nous avons le respect des cimetières et tout lieu de sépulture. Saint Augustin le dit (Cité de Dieu, l. I, c. XIII.) : « Il ne faut pas, abandonner avec dédain les corps des saints qui, pendant leur vie, ont été l’organe et l’instrument du Saint-Esprit pour toute bonne OEuvre. » Saints reconnus et nous reconnus.
Icone Copte 2015
La Toussaint est une fête chrétienne, dont l'Église catholique a fixé la date au premier novembre en 835. Depuis, chaque année, la Toussaint célèbre Dieu et tous ses saints témoins.
Elle a été instituée pour pallier à nos négligences, pour penser aux saints que l’on aurait pu oublier, ou négliger. Un moine bénédictin écrit : « bien que nous ne fassions la fête que d'un petit nombre de saints, cependant il s'y mêle beaucoup de négligence, et notre ignorance comme notre négligence nous y font oublier une multitude de choses. Si, donc nous avons négligé quoi que ce soit dans les autres solennités des saints, nous pouvons le suppléer dans cette fête générale, et nous purifier des fautes qui pourraient nous être imputées ». Cette raison se retrouve dans le sermon du vénérable Bède (sermon XVIII), mort le 26 mai 735. Il y est dit : « Il a été décrété qu'en ce jour on ferait mémoire de tous les Saints, afin que si la fragilité humaine a quelque chose à regretter dans la manière dont elle a solennisé les Saints -soit par ignorance et par négligence, soit par les embarras des affaires-, elle puisse l’expier en cette circonstance ».
Que nous enseigne la commémoration des saints ?
Saint Bernard dit que « trois choses rendent précieuse la mort des saints : cessation de travail (repos), joie de la situation nouvelle (plénitude), assurance par rapport à l’éternité. (certitude)»
Les saints nous ont été donnés comme des patrons, des modèles, pour, nous secourir par leurs mérites et leurs prières. « O bonté immense de Dieu, dit saint Augustin, qui veut que les mérites des martyrs (ce mot signifie : témoin) soient ce qui nous aide ! Il les éprouve pour nous instruire ; il les tourmente pour nous gagner ; il veut que leurs supplices soient notre profit.» « Si les apôtres et les martyrs, revêtus encore de leur corps, dit saint Jérôme, peuvent prier pour les autres, quand ceux-ci doivent encore être inquiets par rapport à eux-mêmes, à plus forte raison peuvent-ils le faire, après avoir remporté des couronnes, des victoires, des triomphes ! Moïse seul obtient le pardon de six cent mille hommes, et Étienne demande pardon pour Paul et pour beaucoup d'autres, et l’obtient
; auront-ils moins de pouvoir lorsqu'ils seront avec le Christ ? L'apôtre Paul dit que Dieu lui accorda la vie de deux cent soixante-seize âmes dans un navire : fermera-t-il la bouche quand il sera avec Jésus-Christ. ? » Certes non !
Les martyrs, même ceux dont nous ne connaissons pas les noms, souffrirent avec constance. Saint Augustin dit à ce sujet : « L'âme du martyre c'est une épée resplendissante de charité, aiguisée par la vérité, agitée par la force du Dieu… : elle a fait, les guerres, elle a terrassé ses nombreux contradicteurs, elle a frappé ses ennemis, elle a écrasé ses adversaires. » Saint Chrysostome ajoute : « Ceux qui étaient torturés sont restés plus forts que leurs bourreaux ; et des membres écorchés ont vaincu les écorcheurs. »
Avec toutes ces évocations, nous pensons, certes aux saints anciens, aux martyrs comme Polycarpe,
https://nominis.cef.fr/contenus/saint/690/Saint-Polycarpe.html
Maurice.
https://nominis.cef.fr/contenus/saint/1897/Saint-Maurice.html
Il convient d’y ajouter les contemporains : les saints des temps anciens, mais aussi ceux de notre temps qui ne figurent pas au martyrologe catholique :
Dietrich Bonhoeffer, théologien protestant, exécuté le 9 avril 1945, pour avoir résisté au régime nazi ; Martin Luther-King, pasteur baptiste américain, assassiné à Memphis le 4 avril 1968 ; Mgr Oscar Romero, archevêque de San Salvador, assassiné le 24 mars 1980 alors qu'il célébrait la messe ; Père André Jarlan, tué au Chili le 4 septembre 1984 ; Alexandre Men, prêtre russe orthodoxe tué à coups de hache près de chez lui le 9 septembre 1990 ; Cyprien et Daphrose Rugamba, du Rwanda, fusillés avec six de leurs dix enfants durant le génocide de 1994 ; Nazareno Lanciotti, assassiné au brésil en 2001 ; Andrea Santoro, assassiné en Turquie en 2006 ; Faraj Rahho, archevêque de Mossoul assassinés en 2008 ; Un prêtre et six laïcs indiens assassinés en 2008… ; 46 martyrs de Bagdad, 2010 ; Shahbaz Bhatti, ministre pakistanais, défenseur de la liberté de l'Église, assassiné en 2011 ; et bien d’autres témoins.
Disons avec Saint Augustin : O saintes âmes du paradis, vous qui, maintenant à l'abri des écueils et des tempêtes, jouissez d'un bonheur qui ne doit pas finir, je vous en conjure, au nom de la charité qui remplit votre coeur, au nom de Celui qui vous a choisis et qui vous a faits tels que vous êtes, écoutez ma (notre) prière.

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Dimanche 23 octobre 2022
Homélie de Bruno Millevoye, 30e dimanche du temps ordinaire
Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-10-23/romain/messe

Pour une fois, l’évangile est on ne peut plus clair, son message direct, recevable et à priori facile à mettre en pratique. Le problème est que nous nous trompons de rôle. Toutes et tous, sans exception, nous nous mettons dans la peau du publicain, du pécheur, et nous faisons la liste des pharisiens d’aujourd’hui qui se prennent pour des justes et qui nous méprisent.
Or, en tenant ce raisonnement, nous sommes immédiatement transformés en pharisien.
Cet évangile est dangereux, un poison mortel si nous n’en faisons pas un usage judicieux. Il devrait être interdit non pas au moins de 18 ans mais au plus de 18 ans, à tous les adultes que nous sommes, qui ont trop souffert des jugements des autres et qui vont se saisir de cette page pour se soulager à bon compte à l’aide de quelques amis complices.
L’enjeu est d’apprendre à jouer le bon rôle, d’arrêter de nous prendre pour de pauvres pécheurs agressés par de méchants pharisiens. « Satan, sors de cet homme. ». « Satan, cesse de me tromper. »
Plus sérieusement, comment apprendre à bien dire en toute sincérité : « Mon dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis. »
Je vous propose deux pistes et une prière.
La première piste est de prendre le texte et de le lire sans émotion, sans immédiatement nous précipiter dans le rôle que nous voudrions pour nous et de projeter nos ennemis dans le rôle du méchant.
Le pharisien compare, juge, se met à la place de Dieu.
Le publicain ne juge pas. Il ne se compare ni au pharisien ni à plus pécheur que lui. Il ne s’arrête pas sur les détails de son péché. Il confesse la miséricorde de Dieu. Il se centre sur lui et son amour. Il s’abandonne à Dieu comme les enfants dont il sera question juste après, sans jugement ou arrière-pensée. Il y a lui, il y a Dieu en qui il met sa confiance. « Mon dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis. »
Seul Dieu, seul Jésus est juge. C’est ce qui précède : « Le fils de l’homme viendra pour juger. » Lui seul est notre juge, ni les autres, ni moi-même. Et c’est le travail que nous appelle à faire cet évangile, nous mettre dans cette attitude de disponibilité devant Jésus. Seule la pauvreté le rend possible. C’est après les enfants, l’épisode du notable qui demande de l’aide à Jésus mais qui ne renonce pas à ses richesses, à l’idée qu’il a de lui-même et des autres.
La 2e piste est de progresser dans la prière de demande car aussi bien le publicain que le pharisien prient et demandent. Voici ce que dit Augustin sur la prière dans une lettre qu’il adresse à Proba.
Il est fait un constat. Nous ne savons pas demander. Mais il ne faut pas se décourager et continuer à prier de sorte à ce que ce soit non pas notre volonté qui se fasse mais celle de Dieu. Et c’est dans la faiblesse que la volonté de Dieu se révèle. C’est ce que découvre l’apôtre Paul. Il voudrait être libéré de toute épreuve, de ses faiblesses, de ses doutes mais il persévère et, je cite Augustin :
« Finalement, il entendit la réponse de Dieu expliquant pourquoi la prière d'un tel homme n'obtenait pas de résultat, et pourquoi le résultat n'en aurait pas été avantageux : Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. »
C’est dans l’acceptation de sa faiblesse que Paul accueille la grâce de Dieu. C’est ce que fait également le publicain qui confesse la miséricorde de Dieu sans condition : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis. »
Le modèle de cette prière, c’est celle de Jésus. « Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » Mais, je cite Augustin, « en sublimant la volonté humaine qu'il tenait de son incarnation, il ajouta aussitôt : cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. »
C’est ce que nous avons à apprendre, consentir à la volonté de Dieu.
Pour cela, pas d’autre méthode que de prier, prier sans cesse même maladroitement, même avec des arrière-pensées. Il y a une école à notre disposition, celle des psaumes.
Je vous propose de prier avec le psaume 56. Elle est notre prière et celle de Jésus.
02 Pitié, mon Dieu, pitié pour moi ! En toi je cherche refuge, un refuge à l'ombre de tes ailes, aussi longtemps que dure le malheur.
03 Je crie vers Dieu, le Très-Haut, vers Dieu qui fera tout pour moi…
04 Du ciel, qu'il m'envoie le salut : (mon adversaire a blasphémé !). Que Dieu envoie son amour et sa vérité ! 
05 Je suis au milieu de lions, gisant parmi des bêtes féroces ; ils ont pour langue une arme tranchante, pour dents, des lances et des flèches…
06 Dieu, lève-toi sur les cieux : que ta gloire domine la terre !
07 Ils ont tendu un filet sous mes pas : j'allais succomber. Ils ont creusé un trou devant moi … mais ils y sont tombés.
08 Mon coeur est prêt, mon Dieu, mon coeur est prêt ! Je veux chanter, jouer des hymnes !
09 Éveille-toi, ma gloire ! Éveillez-vous, harpe, cithare, que j'éveille l'aurore !
10 Je te rendrai grâce parmi les peuples, Seigneur, et jouerai mes hymnes en tous pays.
11 Ton amour est plus grand que les cieux, ta vérité, plus haute que les nues.
12 Dieu, lève-toi sur les cieux : que ta gloire domine la terre !

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Dimanche 16 octobre 2022
Homélie de Bruno Millevoye, 29e dimanche du temps ordinaire
Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-10-16/romain/messe

Je voudrais parler du mal, de la persévérance et de la foi, à nouveau.
Le passage du livre de l’Exode nous présente un épisode haut en couleur, l’affrontement de deux armées, celle des Amalécites et celle d’Israël. Tant que Moïse a les mains levées, Israël gagne. Mais quand il les laisse retomber, l’adversaire reprend l’avantage. Il faut le soutien d’Aaron et de Hour pour que Moïse garde les mains levées et qu’Israël triomphe. Nous comprenons que tant que nous demandons l’aide de Dieu, nous triomphons du mal. Si nous ne le faisons plus, nous sommes vaincus. En même temps, sans nos mains, il n’y a pas de victoire possible.
L’imposition des mains est pratiquée lors du baptême. Par ce geste, nous demandons à Dieu que le futur baptisé soit délivré du mal et qu’il reçoive la force toute sa vie de lutter contre le mal comme Josué a lutté contre Amalec.
Présenter ce geste et sa signification est toujours délicat. Comment parler du mal, quels mots employés ? Nous préférons parler de la vie que nous recevons de Dieu, de tout ce qu’il nous donne de positif. Mais ce rite comme ce récit du livre de l’Exode nous rappellent que nous ne pouvons pas gommer la réalité du mal et ses conséquences pour notre existence. Pour vivre, il faudra aussi affronter le mal et le combattre.
Je sais que les plus anciens parmi nous ont souffert d’un discours qui parlait plus du mal, du péché, de Satan que de la vie, de l’amour, des béatitudes. Mais ne plus parler du mal, ne plus nous expliquer sur le péché qui est notre participation volontaire au mal, c’est manquer de clairvoyance, c’est faire comme si de rien n’était et c’est se retrouver dans des situations où nous serons démunis pour réagir. Pour vivre, il faut regarder la réalité en face et le mal appartient à cette réalité.
Le mal est un sujet philosophique, théologique immense et complexe. Il est figuré dans la doctrine de l’église en la personne de Satan. Je préfère parler du mensonge. Notre liturgie, notre prière commune qui veut honorer tous les aspects de notre existence nomme le mal. Nous terminons la prière de « Notre Père » par ces mots : « Délivre-nous du mal. » Avant, nous avons demandé à ne pas entrer en tentation, ce qui nous rappelle que nous avons une responsabilité dans la lutte contre le mal. Le prêtre ajoute ensuite : « Délivre nous tout le mal et donne la paix à notre temps. Soutenus par ta miséricorde, nous serons libérés de tout péché. » C’est le soutien de la miséricorde qui nous libère du péché, qui nous permet de ne plus participer aux oeuvres du mal, au contraire qui nous conduit à lutter contre le mal en demandant l’aide de Dieu.
Cette lutte mise en scène dans le combat d’Israël contre les Amalécites est également racontée par cette parabole que je trouve admirable.
Allez, je vais faire un peu de sexisme, comme ça j’ai envie… Cette parabole est une histoire de bonne femme, une veuve qui réclame justice, un juge malhonnête qui est fatigué de l’entendre mais qui en raison de sa persévérance va finir par céder.
Cette histoire est admirable parce qu’elle donne à la lutte contre le mal un nom : la justice. Le sujet du mal est sans contour mais lorsque nous luttons pour plus de justice, nous sommes sûrs de lutter contre le mal.
Cette histoire est admirable parce qu’elle met en valeur ce qui est nécessaire pour lutter contre le mal quel que soit la forme qu’il puisse prendre. Pas tel ou tel principe du bien supposé mais la persévérance. Dieu fait justice à celles et ceux qui crient jour et nuit pour réclamer plus de justice.
Jésus donne à la persévérance, cette attitude et cette force qui conduit à lutter sans se décourager le nom de foi. Et il s’interroge. Trouvera-t-il la foi sur la terre ?
Il me semble que nous l’avons trouvé dans notre échange avec les jeunes pour préparer cette messe. Je vous partage ce qu’ils ont exprimé spontanément. J’essaye d’être fidèle.
D’abord le fait que la parole de Dieu les rejoint, qu’elle est inspirante. C’est exactement ce que Paul dit à Timothée : « Tu connais les Saintes Ecriture. Elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi que nous avons en Jésus Christ. »
Et puis c’est cette foi qui se révèle dans la parole de Dieu, qui est comme une sagesse qui nous éclaire, qui nous guide. Elle n’est pas un jugement mais plus un appel à l’aventure. Elle nous rassemble autour de valeurs communes. Elle nous donne une ligne de conduite. Elle nous ouvre aux autres.
Dans l’évangile de Luc, le dernier emploi du mot foi se fait avant la passion au moment où Jésus s’explique avec ses disciples et en particulier Pierre. Celui-ci est convaincu de sa force. Jésus va lui annoncer son reniement. Mais avant, il lui dit (22.32) : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. »
Frères et soeurs, puissions-nous nous soutenir par la prière dans la foi pour que nous trouvions la force de persévérer dans nos luttes aussi diverses soient-elles contre la mal pour plus de justice, de vérité, de fraternité. 
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Dimanche 2 octobre 2022

Homélie de Bruno Millevoye, 27e dimanche du temps ordinaire

Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-10-02/romain/messe

Pour mieux saisir le sens de cette parabole, la foi comme une graine, un arbre planté dans la mer, regardons le début de cette séquence (Lc17, 1-10)

Il nous est demandé de pas provoquer de scandale qui pourrait blesser les tout-petits. Il vaudrait mieux être jetés dans la mer avec une meule au cou. Déjà la mer !

Nous sommes appelés à pardonner autant de fois que c’est nécessaire. 7 fois par jour ? Oui, 7 fois par jour. C’est cela qui conduit les apôtres à demander à Jésus d’augmenter en eux la foi.

C’est plutôt une bonne idée, apparemment fondée, innocente qui permettra de pardonner et d’éviter le scandale.

Par sa réponse, Jésus semble acquiescer, aller dans le sens de la demande. La foi comme une petite graine qui peut tout jusqu’à déraciner un arbre et le planter dans la mer.

Ou bien, au contraire, ne cherche-t-il pas à couper court à un raisonnement dont la logique conduit à l’erreur.

Réfléchissons. Est-il possible de déraciner un arbre pour le planter dans la mer ? Non. Donc vous n’avez pas la foi. Merci…

Allons plus loin. Est-il astucieux de déraciner un arbre qui va donc perdre ce qui lui permet de vivre pour le planter dans la mer dans laquelle il va disparaître comme l’homme qu’on aura jeté dans la mer avec une meule à cou ?

Est-ce que Jésus par sa réponse ne veut pas couper court à un raisonnement qui conduirait à penser la foi comme ce qui résout nos problèmes, qui agit à notre place. Couper court au risque de la pensée magique. Couper court à une pensée qui conduit au jugement et la condamnation. Tu n’y arrives pas, c’est que tu manques de foi… Tu ne crois pas assez en Dieu.

La première fois que le mot est employé dans l’évangile de Luc, c’est pour qualifier l’attitude de ceux qui portent un homme sur un brancard et qui le conduisent à Jésus. Pour leur foi, cet homme sera délivré de ses péchés : Lc 5.20. Voyant leur foi, il dit : « Homme, tes péchés te sont pardonnés. »

Déjà le pardon n’est rien de magique. Des hommes qui sont conduits par leur foi et une parole d’autorité que Jésus assume, qui délivre du péché.

La foi dont nous avons à prendre soin est cette conviction qui nous fait passer à l’action.

Doit-elle pour autant être mesurée ? Augmentée, diminuée ? Doit-elle conduire à penser que Dieu agit à notre place, résout nos problèmes. Ne plus assumer nos responsabilités. Doit-elle devenir le critère d’un jugement sur l’autre qui n’y arrive pas ?

Je fais donc l’hypothèse que cette parabole absurde a pour but d’éviter ces raisonnements qui conduisent à penser que parce qu’on n’y arrive pas, c’est qu’on manque de foi jusqu’à penser que c’est une faute que de n’avoir pas suffisamment de foi, une faute à l’égard de Dieu.

La foi est un don qui nous libère et nous conduit à l’action parce que nous penserons que c’est possible. Mais cette action reste de notre responsabilité.

Il est de notre responsabilité de ne pas choquer. Il est de notre responsabilité de pardonner même sept fois par jour.

J’appuie mon hypothèse sur la suite et la fin de ce passage qui nous parle du serviteur inutile. Apparemment rien à voir avec ce qui précède.

Or, ce passage répond à la demande des disciples. « Augmente en nous la foi. » Et bien, Jésus nous demande d’agir jusqu’à devenir des serviteurs qui n’attendent rien d’autre que d’avoir servi.

Je pense à cette prière attribuée à saint Ignace et qui est dans la prière scoute : « Sans attendre d’autre récompense que celle de savoir que je fais ta sainte volonté. »

Il est de notre responsabilité de ne pas faire le mal. Il est de notre responsabilité de pardonner. Nous oserons agir ainsi parce que la foi nous porte. Mais c’est notre responsabilité.

Cette foi s’accueille et se cultive, et pourquoi pas augmente, en vivant en simple serviteur.

Je résume et je termine.

La foi rend tout possible. Elle est un don sans cesse à accueillir. Un don de Dieu.

Elle est à recevoir chaque jour. Comme chaque jour nous nous disposons à vivre notre journée en nous laissant conduire par Dieu et son Evangile.

Chaque jour en évitant de blesser, de faire le mal.

Chaque jour en pardonnant sans compter.

Chaque jour en évitant de penser que tout se fera comme par un coup de baguette magique.

Chaque jour en prenant notre tablier, en servant jusqu’à oublier de demander une récompense pour ce service parce que ce service m’aura mis en présence de Dieu, en communion avec lui et que cette communion suffit. Telle est notre foi.

17, 01 Jésus disait à ses disciples : « Il est inévitable que surviennent des scandales, des occasions de chute ; mais malheureux celui par qui cela arrive !

02 Il vaut mieux qu’on lui attache au cou une meule en pierre et qu’on le précipite à la mer, plutôt qu’il ne soit une occasion de chute pour un seul des petits que voilà.

03 Prenez garde à vous-mêmes ! Si ton frère a commis un péché, fais-lui de vifs reproches, et, s’il se repent, pardonne-lui.

04 Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras. »

05 Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! »

06 Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi.

07 « Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ?

08 Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ?

09 Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?

10 De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »

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Dimanche 25 septembre 2022
Homélie de Michel DURAND, 26e dimanche du temps ordinaire année C
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Leture du livre du prophète Amos : 6. 1 à 7 : « La bande des vautrés n’existera plus »
Psaume 145 : « Heureux qui s’appuie sur le Seigneur son Dieu »
Lecture de la première lettre à Timothée : 6. 11 à 16 : « Garde le commandement jusqu’à la Manifestation du Seigneur »
Évangile selon saint Luc : 16. 19 à 31 : « Tu as reçu le bonheur, et Lazare, le malheur. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance »
« Quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus ».

Nous connaissons ce proverbe, Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Je nous invite à nous poser personnellement cette question : voulons-nous vraiment entendre, par exemple, ce qu’a dit François le 22 septembre dans la salle Paul VI à 600 employés d’une entreprise mondiale d’audit et de conseil. « Reconnaissant leur influence, François leur a rappelé leur responsabilité dans la bonne gestion des entreprises et des institutions publiques en gardant à l’esprit cette question : quel monde voulons-nous laisser à nos enfants et petits-enfants ? En prenant en compte un nouveau paradigme basé sur l’inclusion, la sobriété, le soin et le bien-être ».
Certes nombreux parmi nous, ne se trouvent pas dans cette situation de responsabilité. Mais quand même, à notre niveau, avec nos voisins de paliers, n’avons-nous pas à nous interroger sur notre vision de l’avenir. Aurions-nous assez d’intelligence pour voir le mal agir parmi nous et pas assez de force, ou d’audace, pour y porter remède ? Voyons-nous la catastrophe venir inexorablement tout en concluant, après moi le déluge, je m’en lave les mains ?
C’est la question, d’une certaine façon, que je me pose quand je reçois une demande de don pour en terminer avec les problèmes de la faim dans le monde. « En Somalie (et ailleurs) les enfants meurent de faim à nouveau ».
Ce serait bien que l’on puisse en discuter par groupe de 6 pendant 60 minutes. Mais, hélas, ce n’est pas le cas dans le cadre d’une eucharistie. Je nous adresse alors une invitation à organiser de telles rencontres pour scruter, avec nos proches, nos modes de vie. Je cite Laudato Si, N° 196 :
La logique qui ne permet pas d’envisager une préoccupation sincère pour l’environnement est la même qui empêche de nourrir le souci d’intégrer les plus fragiles, parce que « dans le modèle actuel de ‘succès’ et de ‘droit privé’, il ne semble pas que cela ait un sens de s’investir pour que ceux qui restent en arrière, les faibles ou les moins pourvus, puissent se faire un chemin dans la vie »
Et nous en venons au pauvre Lazare. Le seul à être nommé dans la parabole. Le plus important.
Nous savons que le genre « parabole » est utilisé pour tenter de dire des choses à des personnes (je me répète) qui ne veulent pas ou ne peuvent pas entendre l’évidente nouveauté. La parabole du riche et du pauvre Lazare pourrait se traduire aujourd’hui en parabole du PDG qui, dans son bureau dialogue par téléphone mobile avec le pauvre touareg, Juba, maire du village qui se lamente de voir l’exploitation de l’uranium souiller l‘eau du pays.
À l’époque de Jésus, il y avait des contes sur l’ascète et le bouffon, des fables à propos du pauvre et du riche. Un conte égyptien exprimait que celui qui faisait le bien sur terre recevrait le bien dans l’au-delà et, à l’inverse, celui qui faisait le mal n’était pas bien reçu dans l’au-delà. (Voir André Sansfaçon, prêtre canadien).
Chez les Juifs, il y avait aussi un conte qui impliquait un scribe, celui qui copiait les textes religieux, et un riche publicain qui faisait la collecte des impôts et des taxes. Dans l’au-delà, le scribe vivait dans une oasis tandis que le riche publicain vivait près d’une rivière où il voyait l’eau constamment, mais il ne pouvait y étancher sa soif.
À sa manière, Jésus reprend ce type de conte et en fait une parabole. Il a campé ses personnages pour en dégager cette leçon : L’amour et le partage sont nécessaires à celui qui veut suivre la pensée de Jésus.
François de Rome précise que c’est ainsi qu’agissent les responsables d’entreprises qui ont une vision intégrale : « le travail digne des personnes, le soin de la maison commune, la valeur économique et sociale, l’impact positif sur les communautés sont des réalités qui sont connectées entre elles ». « Aucun profit n’est légitime quand disparait de l’horizon la promotion intégrale de la personne humaine, la destination universelle des biens et l’option préférentielle pour les pauvres » et « le soin de notre maison commune ».
Par cette parabole, Jésus lance donc un appel à l’amour qui n’est vrai qu’avec un partage authentique. L'humain doit vivre le partage sur cette terre, car, à sa mort, il ne pourra pas recommencer sa vie.
Le riche, dont on ne connaît pas le nom car il est comme sans importance, aurait bien aimé que des signes soient envoyés aux membres de sa famille, des riches comme lui. Or les signes existaient. Il y avait Abraham, les prophètes et toute la loi, mais ils ne les écoutaient pas. Même si un mort revenait, ses frères ne seraient pas convaincus.
Je dis cela en pensant à la journée du 20 septembre, journée mondiale du migrant et du réfugié, construire l’avenir avec les migrants et les réfugiés. Une célébration oecuménique s’est tenue dans le Temple de la rue Lanterne à Lyon.
Soyons attentifs, compatissants et agissants envers les Lazare de notre monde.

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Dimanche 18 septembre 2022
Homélie de Bruno Millevoye, 25e dimanche du temps ordinaire
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Cet évangile nous surprend tous les trois ans. Comment Jésus peut-il à travers une parabole, un conte, faire l’éloge d’une personne malhonnête ? Cela va à l’encontre de notre sens moral.
Mais c’est peut-être le fonctionnement de notre morale, de notre rapport au bien et au mal qui nous conduit à juger et à interdire que Jésus veut provoquer pour nous faire prendre conscience d’un bien supérieur et essentiel à la conduite de notre vie et si nous l’avons choisi de notre vie à la suite du Christ.
Revenons un instant en arrière.
La parabole du père prodigue, précédée de deux petites paraboles, nous ont enseigné la miséricorde, l’amour sans condition de Dieu, la force que cela donne : chercher sans compter ses efforts, la communion qui devient possible puisqu’il s’agit de faire une place au dernier et au bout du compte la joie que cela procure.
Nous nous rappelons la réticence du fils aîné à entrer dans cette dynamique, réticence que nous partageons. La perspective d’amour est extraordinaire mais elle fait monter en nous une résistance. Nos bonnes intentions sont mises en difficulté. Nous ne voulons pas, comme le fils aîné, participer à la fête. La morale commune nous appelle à aimer mais c’est à condition, dans un rapport de donnant, donnant, selon des règles et au bout du compte sans surprise, sans joie, sans vie.
Jésus connaît notre coeur et ce mal qui nous habite particulièrement grave puisqu’il est justifié par la morale. C’est donc à notre sens moral qu’il s’attaque pour nous permettre d’entrer dans la danse de l’amour sans condition, l’amour vrai, l’amour divin.
Pour cela, il raconte donc l’histoire de ce gérant qui n’a aucune vertu, aucun scrupule, aucune morale. Il est prêt à tout. Il est tout ce que nous refusons d’être. Pourtant, il possède ce bien nécessaire pour aimer comme Dieu nous aime. Ce bien n’est pas le fruit de la morale puisque cet homme est une mauvaise personne. C’est le génie de cette parabole. Cet homme est malhonnête. Par conséquent, il ne s’agit pas d’imiter sa malhonnêteté. Mais alors que faut-il imiter ? Et bien, c’est son habileté. Cette habileté va le rendre libre. Cette liberté est le contraire de tous les interdits justifiés par nos jugements moraux qui nous empêchent d’aimer comme le père prodigue.
Cet homme nous est donné en modèle parce qu’en raison de son habileté, il est libre vis-à-vis de son maître, il est libre vis-à-vis des débiteurs de son maître. Il est libre vis-à-vis de l’argent.
Qui ici est libre vis-à-vis de l’argent. Si nous ne sommes pas libres vis-à-vis de l’argent, nous ne pouvons pas servir Dieu, nous ne pouvons pas aimer comme Dieu. Cet homme est libre vis-à-vis de l’argent. S’il ne le sert pas, il est le modèle de l’homme qui a choisi de servir Dieu. C’est cette liberté fruit de son habileté
que nous devons apprendre, comprendre, exercer pour, petit à petit, nous débarrasser de tous ces jugements justifiés par la morale qui nous empêchent d’aimer comme Dieu nous aime.
Comment devenir habiles, comment devenir libres ?
Restons-en à la parabole. Trois points tout simples, à notre portée.
Cet homme commence par regarder qui il est. Tout malhonnête qu’il soit, il est honnête à l’égard de lui-même. Mais il ne se condamne pas. Première étape donc : qui je suis sans jugement ?
Deuxième étape, il va rechercher des amis pour qu’ils puissent l’accueillir. Il ne cherche pas l’argent, il cherche des amis et donc des relations et de potentielles relations d’amitié. L’amour est le moteur de sa démarche.
Troisième étape. Il agit selon ce qu’il sait faire. Il sait manier de l’argent alors il s’en sert mais encore une fois sans être dominé par l’argent. Il n’espère pas qu’on lui donne de l’argent mais qu’on lui donne de l’amitié.
Ainsi le maître peut faire l’éloge de cet homme qui s’est fait des amis avec l’argent trompeur. Il n’a pas été dominé par l’argent. Il est par conséquent digne de confiance. Il a la liberté qui seul permet d’aimer.
Jésus n’est pas venu pour nous faire la morale. Il est venu nous convaincre d’aimer comme Dieu aime. Cet amour sans condition n’est pas au bout de nos efforts, de nos bonnes actions, mais le fruit de notre liberté et il faut faire preuve d’habileté pour la gagner.
J’ai conscience que vous résistez à ce que je dis et moi-même je résiste à ce que je vous dis. Par exemple, est-ce que cela veut dire que l’habileté qui consiste à voler les autres est une bonne chose ?
Cette parabole prend place dans un cadre moral qui existe et qu’elle ne supprime pas. La malhonnêteté n’est pas bonne. En revanche, la seule morale, faire ce qui est bien, éviter ce qui est mal n’est pas suffisante pour aimer comme Dieu nous aime. Elle a ses limites et peut même nous empêcher d’aimer par les jugements qu’elle engendre et qui conduisent à la condamnation. Il est parti, tant pis pour lui.
En passant, est-ce que ça n’est pas l’occasion de reconnaître que lorsque nous agissons au nom de valeurs morales légitimes, nous le faisons, au moins en partie, de façon cachée, pour défendre nos intérêts ? Si c’est le cas, nous nous mentons à nous-même et ce n’est pas bien. Le gérant ne ment pas.
Le génie de ce récit c’est de nous présenter en exemple un homme malhonnête pour que nous comprenions que la morale est limitée, qu’elle ne permet pas seule d’aimer comme Dieu aime mais que seule la liberté le permet. Je vais me donner la possibilité d’agir même si la bienséance ne m’y oblige pas. Je vais me donner la possibilité de laisser ce qui est au plus profond de mon coeur prendre le pouvoir en moi.
Et pour me donner cette possibilité je vais apprendre à être, comme ce gérant, lucide vis-à-vis de moi-même, libre vis-à-vis de l’argent et libre d’agir pour développer des relations d’amitié.
Si vous tournez les pages de l’évangile, vous tomberez sur la parabole du pauvre Lazare et du riche qui est aveuglé par sa richesse. C’est un honnête homme mais il ne voit pas Lazare tellement il est riche. L’aveuglement que produit la richesse, un autre sujet…
Mais restons-en aujourd’hui à la nécessaire habileté pour apprendre à être libre vis-à-vis de l’argent mais aussi de tout le système moral qu’il met en place et ainsi être capable d’aimer sans condition et trouver la joie.
Nous nous préparons à aller à Assise sur les pas de saint François. Nous connaissons de lui le choix qu’il a fait de la pauvreté. Il a rompu avec l’argent. S’il a fait ce choix, ce n’est pour des raisons de bonnes morales mais c’est pour se donner la liberté de bénéficier d’un bien infiniment plus précieux celui de Dieu, celui de l’amour et de la joie qu’il apporte.

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Dimanche 11 septembre 2022
Homélie de Bruno LACHNITT, 24e dimanche Du Temps ordinaire
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La liturgie de ce dimanche nous donne à entendre l'ensemble du chapitre 15 de l’évangile de Luc et quoiqu’il soit long, je n’ai pas pris la lecture brève parce qu’il y a une cohérence entre ces 3 paraboles, qui répondent toutes trois aux murmures des pharisiens et scribes : « cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ». Le texte dit pourtant que ce sont les collecteurs d'impôts et les pécheurs qui font bon accueil à sa parole et « s'approchaient tous de lui pour l'écouter ». Dans les trois paraboles, il est chaque fois question de perdu-retrouvé et de fête : « Je vous le déclare, c'est ainsi qu'il y a de la joie dans le ciel (ou chez les anges de Dieu), pour un seul pécheur qui se convertit… ». Les trois récits sont donc apparemment parallèles. Mais le troisième se distingue cependant à quelques indices. Les deux premiers évoquent le bon sens : « lequel d'entre vous… ou encore quelle femme… ? ». Il s'agit là d'évidence, n'importe qui ferait pareil. Le troisième ne dit pas une situation commune mais raconte une histoire. Et si les deux premières paraboles se terminent avec évidence sur la fête, la troisième met en scène un « trouble-fête ». L'histoire commence avec une rupture d’un fils cadet avec son père, rupture qui intervient à la suite de la revendication de sa part d'héritage. Ce faisant, il met son père en dehors de sa vie, il fait en quelque sorte comme s’il était mort, il rompt la filiation. Quand il a tout dépensé, le texte parle de « famine », « se remplir le ventre », « je meurs de faim ». L'héritage ayant fondu, c'est objectivement le pain qui manque. Or « combien d'ouvriers de [son] père ont du pain de reste ? ». Mais l’héritage ayant fondu, il n’est plus possible de faire marche arrière. Si le père peut garantir le pain, vous admettrez qu’il serait plus que douteux qu'au moment où le pain manque, brusquement, le père se mette à manquer. En déclarant, « je ne suis plus digne d’être appelé ton fils », en concevant d'être traité « comme un de [ses] ouvriers », c'est donc dans une démarche de vérité qu'il va vers son père. Mais la pointe du récit est du côté du père. « Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers… ». Le père restaure la filiation mais elle est totale gratuité, cadeau, sans proportion avec quelque mérite, elle n'est surtout l'objet d'aucune revendication. Mais c'est précisément parce qu'elle n'est l'objet d'aucune demande qu'elle peut être totale gratuité. Un cadeau, par définition, ça ne se revendique pas, ce n’est pas un dû. On peut se demander si l’amour n’est pas par nature un cadeau. Peut-on exiger de l’autre qu’il nous aime ? Parce qu’il ne réclame rien, le fils cadet est en position de recevoir cette gratuité. « Et ils se mirent à festoyer ». Alors l'aîné revient des champs. Lui pense avoir des mérites à faire valoir. Rien de pire que l’apparente fidélité qui donne l’illusion d’accumuler des mérites car elle rend imperméable à la grâce. Il n’est donc pas en position de recevoir un don gratuit. Mais ne peut-il le comprendre ? Nous avons été avertis par les deux premières paraboles : « Lequel d'entre vous…, quelle femme… ? », n'importe qui ferait pareil ! Et « s'il y a de la joie chez les anges de Dieu », il est singulier que les justes fassent la tête. A moins que cette justice ne soit qu'apparence et que cette position de trouble-fête en manifeste le mensonge. Quand il y a de la joie chez les anges de Dieu, il est « malheureux » d'être trouvé en position de trouble-fête. "Malheureux êtes-vous pharisiens hypocrites..." lisions-nous il y a quelques semaines au chapitre 11. Tout le récit tourne autour de la relation au père. Dans le discours de l'aîné, cette relation joue comme mérite, mais la fidélité résonne ici du côté du paraître et dès lors que la relation au père est mensonge, la relation au frère est jalousie. Mais si la relation au père fonctionne sur le registre du mérite, c'est déjà le fait de la jalousie. On a toujours tendance à penser que c'est parce qu'on est mieux que l’autre qu'on doit être préféré. Les apôtres se disputaient déjà au chapitre 9 pour savoir 'qui est le plus grand'. Les enfants connaissent bien ce genre de rivalité, qui peut prendre des formes diverses, mais sans doute pas seulement les enfants. Pour clore ce débat, il reste à trouver un pauvre type sans illusion qui sache accueillir une gratuité sans s'y croire, sans « se la péter » comme disent les jeunes. Ici, on l'a trouvé du côté des collecteurs d'impôts
et des pécheurs qui s'approchaient tous de Jésus pour l'écouter. Et « il y a de la joie chez les anges de Dieu »… Alors en méditant ces textes m’est revenue à l'esprit une phrase de Roland BARTHES dans un livre sur Racine, en commentant Britanicus. Parlant de Néron qui a empoisonné sa mère, BARTHES écrit : "l'ingratitude est la forme obligée de la liberté". C'est tout l'enjeu de l'épisode de la première lecture dans le livre de l’Exode : la reconnaissance du don de l'acte originaire de la liberté, la sortie d'Egypte. Et le péché du peuple n'est pas seulement de se vautrer devant une statue faite de mains d'homme, mais surtout de dire en désignant l'idole : "Voici tes dieux qui t'ont fait sortir du pays d'Egypte". Et Dieu lui-même dit à Moïse : "ton peuple s'est perverti, lui que tu as fait monter du pays d'Egypte", comme si le don avait besoin d'être reconnu pour exister, et c'est le don qui fonde l'Alliance. C'est le choix décisif devant lequel est placé chacun d'entre nous : la liberté est-elle en concurrence avec la grâce ou s'accomplit-elle par la grâce. Dit autrement : la liberté peut-elle s'épanouir dans la reconnaissance, en se recevant d'un autre, ou l'autre est-il une menace pour ma liberté, et de fait l'ingratitude en serait la forme obligée. La réponse de Paul dans la deuxième lecture est claire : "Je suis plein de reconnaissance pour celui qui me donne la force, Jésus Christ notre Seigneur, car il m'a fait confiance en me chargeant du ministère, moi qui autrefois ne savais que blasphémer, persécuter, insulter." Lui prend la place du pauvre type qui sait accueillir une gratuité, et "il y a de la joie chez les anges de Dieu". Mais un monde où l'ingratitude l'emporte sur la reconnaissance, est un monde où domine la jalousie, un monde déchiré entre dominants et dominés, gagnants et perdants. Pour faire un monde de frères, ne faut-il pas se recevoir du Père à l'image du Christ ? N'est-ce pas ce qu'ensemble, en Eglise nous sommes appelés à signifier ?

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Dimanche 4 septembre 2022
Homélie de Bruno Millevoye, 23e dimanche du temps ordinaire
Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-09-04/romain/messe

Même si nous sommes avertis, je ne pense que nous nous habituons à entendre dans la bouche de Jésus de telles affirmations : porter sa croix, renoncer à tout et même haïr ses parents car le verbe préférer cache en fait pudiquement le verbe haïr.
Cette exigence, cette radicalité peut nous décourager, nous rebuter. Nous cherchons à la rendre compréhensible. Nous en atténuons les aspects les plus rudes comme le traducteur du texte qui a donc choisi de remplacer le verbe haïr par le verbe préférer.
Cependant, la foi n’est-elle pas par nature radicale parce qu’elle nous tourne vers l’absolu et que l’absolu ne se contente pas d’une gentille morale, de quelques choix annexes… Si je veux monter sur le toit du monde, je ne vais pas enfiler mes pantoufles ni même mes tongs. Les baskets ? Ça ne marche pas non plus si je puis dire.
1) Avant de se demander s’il est possible de suivre le Christ, je voudrais vous faire remarquer que ce passage d’Évangile comporte comme une méthode, une sagesse que nous pouvons appliquer à nos propres projets, utile pour se donner une chance d’aller jusqu’au bout.
C’est le début de l’année. Nous avons des projets d’étude, des projets professionnels. Nous voulons aller jusqu’au bout mais avons-nous pris le temps de nous asseoir comme le roi de la parabole qui veut partir en guerre et regarde s’il a les moyens d’affronter son ennemi ?
Si c’est hors de portée, ne vaut-il pas mieux négocier, choisir un autre projet…
Nous sommes au mois de septembre, les choix sont sans doute déjà faits mais cela ne nous empêche pas de se redire que pour aller jusqu’au bout, il faudra mettre en priorité tout ce qui permet d’aller jusqu’au bout et par conséquent préférer à tout, ce qui contribue à nous permettre d’aller au bout…. Jusqu’à haïr ce que nous aimons mais qui pourrait nous empêcher d’atteindre notre objectif.
Il faudra alors renoncer à des loisirs, à des sorties amicales. Ce sera comme une croix que nous aurons à porter mais qui est nécessaire pour atteindre l’objectif que nous nous sommes donné.
Pour aller jusqu’au bout, il est sage de s’asseoir, de peser le pour et le contre, d’avoir conscience des choix nécessaires, des efforts à fournir, des épreuves…
Parmi les épreuves, il y a celle du doute, la tentation de revenir en arrière. Cela nous renvoie à un passage précédent de l’Évangile de Luc. Celui qui regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume.
2) Venons-en à ce que nous propose Jésus. Il ne s’agit plus d’étude, de projet professionnel, mais de le suivre et d’être son disciple.
Est-ce que cet Évangile n’est pas l’occasion de nous asseoir et de nous demander ce que nous faisons avec lui ? Est-ce que nous voulons aller avec lui jusqu’au bout de nos existences ? Est-ce que nous avons le désir que l’Évangile embrase tout ce que nous sommes ? Est-ce que nous désirons son Royaume ? Jésus a pris la route de Jérusalem pour triompher de la mort. Partageons-nous cette ambition ?
Je discutais avec une amie il y a quelques jours de la vie éternelle. Nous évitons pudiquement, me disait-elle, de parler de la vie éternelle. C’est une sorte d’option… Il ne faut pas s’étonner alors que la foi n’intéresse plus personne. Une vague morale, pas de perspective qui nous transporte, qui nous transcende.
Pour le Christ, aller jusqu’au bout, c’est aller jusqu’à la croix et sur la croix vaincre la mort et nous ouvrir les portes de la vie éternelle. Si nous ne préférons pas cette perspective, cela ne sert à rien d’être son disciple.
Cette interrogation est rude mais n’est-elle pas nécessaire ? N’est-elle pas la condition pour vivre notre foi de façon profitable ?
Le passage que nous avons entendu se conclut avec du sel. Comme chez Matthieu, le sel est le symbole de ce qui donne du goût. Mais s’il perd sa saveur, il ne sert plus à rien. Comme il ne sert à rien de suivre le Christ si nous ne désirons pas aller jusqu’au bout, le préférer à tout. C’est à cette condition que notre vie de foi aura du goût, de la saveur. Quand il y a du goût, de la saveur, du désir, les épreuves, les renoncements ne nous affectent plus. Ils deviennent le signe que nous avançons, que nous progressons.
Rappelons-nous aussi que faire le choix du Christ n’est pas hors de notre portée. Il nous demande d’inviter les pauvres à notre table, de ne pas nous battre pour obtenir la première place. Est-ce impossible, trop difficile ?
Nous connaissons bien cette prière qui s’inspire de l’esprit de saint François d’Assise
« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix, Là où est la haine, que je mette l’amour. Là où est la tristesse, que je mette la joie.
Cela n’est-il pas à notre portée ? Suivre le Christ, faire le choix d’aller jusqu’au bout, porter sa croix, n’est-ce pas faire le choix de mettre l’amour là où il y a la haine, la joie là où il y a la tristesse.
Est-ce que c’est trop exigeant, trop radical ? Ou bien n’est-ce pas ce que nous désirons profondément et qui devient possible parce que nous avons le choix de suivre le Christ Jésus ?

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Dimanche 28 août 2022
Homélie de Bruno Millevoye, 22e dimanche du temps ordinaire
Lien vers les lectures de la messe de ce jour : https://www.aelf.org/2022-08-28/romain/messe

Un enseignement moralisateur de plus, qui culpabilise, me direz-vous ? Faites ceci, ne faites pas cela. Nous savons par expérience que ce type de discours est contre-productif.
Nous n’aimons pas qu’on nous fasse la morale. En même temps, nous n’hésitons pas à la faire aux autres, selon notre sensibilité. Et en général, les plus forts l’imposent aux plus petits. Je ne fais aucune allusion.
Nous le faisons en général avec une bonne intention, pour éviter le mal, pour mieux faire. Alors, ne prends pas la première place, invite les pauvres…
Si la méthode est discutable, l’enjeu ne l’est pas. Pouvons-nous faire la fête à côté des pauvres ? Pouvons-nous vivre en s’épuisant à chercher la première place pour découvrir qu’elle n’apporte, en réalité, pas grand-chose ?
Ainsi lorsque Jésus affirme que celui qui s’élève sera abaissé et que celui qui s’abaisse sera élevé, il ne fait que nous mettre en garde sur nos aspirations intérieures qui peuvent nous tromper. Je cherche à m’élever, mais au fait, pour quelle raison ? Qu’est-ce que cela m’apporte ? Ne suis-je pas, en cherchant à m’élever à tout prix, en train de m’épuiser et de m’abaisser ?
Notons que son enseignement s’articule autour de deux paraboles. L’une s’adresse à celui qui est invité. L’autre à celui qui invite. Ainsi, c’est une idée que nous pouvons retenir, je ne suis pas l’un ou l’autre mais l’un et l’autre, indissociablement.
Quand je suis invité, quel est mon état d’esprit ? Déjà, est-ce que je me laisse inviter ? (C’est ce que suggère la parabole qui suit cet enseignement…)
Quand j’invite, qu’est-ce qui est de l’ordre de la pratique mondaine, c’est-à-dire se retrouver avec ceux que nous connaissons. A contrario, comment faire pour ne pas inviter seulement des amis, des frères, des parents, des personnes en fonction de mes intérêts ?
Je suis plongé dans la préparation de notre pèlerinage à Assise. Un texte raconte comment, de façon provocante, François interrogea un jour ses frères sur la place qu’ils donnaient aux pauvres à la table commune. (FDG p.193) Les pauvres étaient accueillis, mais quand une personnalité importante était invitée, ils étaient oubliés comme par hasard. Il y avait bien un souci des pauvres mais subsistait une hiérarchie qui situait les uns en haut et les autres en bas. Or, et c’est le sens du mot mineur que l’on donna à ses frères, suivre le Christ, c’est accepté de ne plus être en position de supériorité et de domination.
Au début de cette nouvelle année scolaire, ça vaut le coup de regarder nos priorités, de regarder sur quels critères elles sont fondées, de vérifier qu’ils correspondent à ce que nous pensons, à ce que nous croyons.
Dans ce jeu des invitations, j’ai pensé à notre Eucharistie dominicale. « Heureux les invités au repas des noces de l’agneau. » Vous m’entendrez le dire dans un moment et c’est la même invitation adressée à tous sans distinction. Mais qui nous invite ? Vous allez me répondre notre Seigneur Jésus. Mais avant d’être reconnu comme le Seigneur, il est un pauvre qui n’a pas où reposer la tête, maltraité et humilié. Sur la route d’Emmaüs, les disciples, pris dans leurs rêves déçus de première place ont failli ne pas le reconnaître. Heureusement, ils ont fini par lui demander de rester avec eux.
Invité, être invité, c’est finalement beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît. Qu’est-ce qui rend possible la rencontre ? Tous les dimanches, nous apprenons à être invités et à reconnaître celui qui nous invite. Derrière cette expression rituelle : « Heureux les invités », il y a cet enjeu de bonheur possible dans la mesure où nous apprenons à donner sans attendre qu’on nous rende. Où nous apprenons à recevoir sans toujours connaître celui qui nous donne.
Bref, il y a donc derrière cet enseignement qui semble nous faire la morale et indirectement des reproches, un enjeu pour nos vies pour qu’elles aient du sens, du goût, une odeur, une saveur.
Ça vaut le coup d’y réfléchir. L’avantage de l’enseignement proposé par Jésus est qu’il est très vite pratique. Un peu d’introspection et ensuite qui est-ce que j’invite ? Quand je suis invité, à qui je réponds oui ?
Pour nous enseigner, Jésus parlait en parabole. François d’Assise n’hésitait pas à se déguiser. Dans le récit que j’ai évoqué, il avait mis le chapeau d’un pauvre arrivé le matin dans la maison des frères. Puissions-nous trouver les mots, les gestes, la manière d’être surtout qui nous conduira, riches et pauvres tous ensemble, à la même table. C’est à cette table que notre Seigneur Jésus nous attend.

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