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Témoignage d’un membre de l’association Le Passage 

Tout d’abord, prendre soin, pour moi c’est considérer l’autre, mais c’est se  considérer soi-même pour considérer l’autre, c’est l’accueillir en soi, c’est faire une  place à l’autre, faire avec, lui redonner confiance, le faire grandir. J’étais jusque là attentive aux autres, mais sans un véritable engagement, bien  qu’ayant pratiqué pendant 10 ans de l’accompagnement de collégiens de situations  sociales très variées ! 
C’est l’appel du pape François en 2015, lorsqu’il demande que « chaque paroisse,  chaque communauté religieuse etc… puisse accueillir une famille immigrée », qui a  résonné très fort en moi, comme un déclic. Je chantais à la messe « laisserons-nous  un peu de place à l’étranger »…et bien c’était le moment. Il se trouve justement  qu’une famille albanaise de 6 personnes logeant dans un camion nous est signalée à  2-3 personnes du quartier. En réponse à cet appel, nous décidons de prendre en  charge l’hébergement de cette famille dans une ancienne cure. Pour moi, c’était une  première approche de gens très différents de moi, très démunis, s’exprimant très  mal en français…j’ai vraiment fait un pas avec eux, je découvrais…je n’étais pas très  « naturelle » Et puis cela s’est enchainé avec une famille guinéenne, un papa et ses 2  enfants (la maman s’étant noyée pendant le voyage !), puis un jeune célibataire  guinéen. Au fur et à mesure, je me suis sentie plus forte, plus naturelle avec eux,  comme légitimée pour les accompagner. Plus tard, ce furent 8 MNA (mineurs non  accompagnés) que le diocèse a proposé puis décidé de loger à St Maurice dans 2  salles de catéchèse non utilisées ; alors là j’étais vraiment à l’aise pour prendre soin  d’eux, de chacun d’eux. Actuellement, 8 autres MNA sont venus les remplacer, mais  je reste en contact le plus possible avec les anciens, sans oublier les 2 familles  guinéennes !  
L’amour du prochain ce n’est pas pour moi pure philanthropie ! Nous sommes tous  fils et filles d’un même Père. C’est lui qui nous a aimés le premier, qui nous a envoyé  Jésus pour nous apprendre à aimer. Ma foi est ancrée dans les paroles et gestes du  Christ : prendre soin des plus fragiles, des abandonnés, leur donner une espérance  concrète. Il ne suffit pas de dire : « courage, patience »….mais plutôt tendre la main  sans jugement (ne pas connaître forcément par exemple ce qu’ils ont vécu avant),  user de délicatesse, de bienveillance et aussi d’humilité, ne pas les stigmatiser…
Tout cela résumé en Jean 13 : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai  aimés » La parabole du bon Samaritain m’a fait réfléchir autour du mot « prochain »  Qui est mon prochain ?...ou plutôt de qui je veux me faire proche ?Il y a un vrai  déplacement dans cette réponse. D’ailleurs je parle plus souvent du prochain que du  frère, le frère ne faisant pas appel pour moi au même regard. 
Ma foi m’a sûrement poussée…la force de l’Esprit m’aide à poursuivre dans les  moments de découragement : la différence de culture, de religion…ça bouscule un  peu, et puis j’ai l’impression d’être une petite goutte dans un océan. Ma première  conviction est que la terre n’appartient à personne, elle se partage ; de même l’amour  se partage ! D’autre part, côtoyer des personnes en aussi grande fragilité fait prendre  conscience de toutes les richesses que nous avons reçues, sans rien faire pour cela.  C’est pour moi l’occasion de rendre grâce, de remercier Dieu et le louer, mais en  même temps j’ai envie de crier : pourquoi moi ? Pourquoi pas eux ?  
Je terminerai en disant que j’ai aussi beaucoup reçu de toutes ces personnes, leur  détermination, leur foi en l’avenir, pas de ressentiment malgré les grandes  souffrances endurées, leur reconnaissance aussi ; j’ai eu le chance de recevoir des  témoignages très forts de plusieurs jeunes disant par exemple que nous étions avec  mon mari leur famille de France ou bien que ce qui les avait énormément touchés  était que nous les avions traités comme nos enfants, un vrai cadeau pour nous. Je ne  sais pas si j’ai grandi dans la foi, ce qui est sûr c’est que j’ai beaucoup appris sur le plan  humain et que je garde cette conviction ancrée en moi : reconnaître en tout homme  un fils de Dieu, quel qu’il soit !  
Jacqueline Machetto. Le Passage

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